Depuis Plougonvelin (29), ils créent Fil&Fab, la filière de recyclage des filets de pêche en France

"Au départ, c'est une idée toute bête qui a bien grandi", s'en étonnent encore ses protagonistes. Cinq ans plus tard, Yann Louboutin, Thibaut Uguen et Théo Desprez ont créé et gèrent la première filière de recyclage des filets de pêche en France, baptisée Fil&Fab. Designers d'objets de formation, ils sont devenus designers d'écosystème et revendiquent l'infusion de la recherche de sens et de l'écologie dans leur transformation.

Le fabricant de prêt-à-porter Armor-lux et l’opticien Acuitis, l’horloger Ulysse Nardin ont déjà sollicité le savoir-faire de Fil&Fab pour fabriquer qui une paire de lunettes éditée à 5000 exemplaires, qui le cadran d’une nouvelle montre déclinée en 6 unités. « Ces marques de renom nous ont directement sollicités pour élaborer des produits singuliers dans leurs domaines respectifs« , souligne sans flagornerie Yann Louboutin, un des fondateurs de Fil&Fab.

Créée en 2019, cette startup brestoise est déjà récompensée par de nombreux prix dont le Prix « Coup de cœur » du concours Crisalide remis lors de l’Open de l’industrie, en octobre 2020 à Vannes, ainsi qu’une reconnaissane particulière attribuée par le Parlement européen au titre de la démarche écologique ; elle est aussi la récente lauréate du programme French Tech Tremplin qui lui octroie une subvention de 30 000 euros pour son développement et une incubation par Brest Business School.

Créer un objet à partir d’une matière recyclée

Mais comment tout cela a-t-il commencé ? Flashback en 2015 et plan serré sur les quais de Brest.

Yann Louboutin, Thibault Uguen et Théo Desprez sont alors étudiants en design avec la volonté de porter un projet d’étude collectif au titre du DNAP ou Diplôme national des arts plastiques. « On voulait créer un objet à partir d’une matière recyclée. On s’est retrouvés un soir sur le port de Brest, auprès des tas de filets de pêche abandonnés« , explique Yann. Et ça a fait « tilt ». Les étudiants s’improvisent laborantins en testant les réactions de la matière sous le fer à repasser, puis au micro-ondes. « Notre premier objectif était de présenter un objet aux fêtes maritimes de Brest en 2016. » Ils y vont avec une espadrille en filets de pêche fondus. « L’espadrille n’était pas parfaite, mais notre démarche a été saluée par le public auprès duquel nous avons eu de très bons retours. » La motivation est nourrie, l’ambition révélée : créer la première entreprise française de régénération des filets de pêche usagés.

Privilégier le procédé mécanique

Avec l’expérience et les connaissances de Georges Canal, directeur qualité chez Michelin, le trio brestois continue ses recherches pour réduire les filets entremêlés en granulés de polyamide 6, appelé aussi nylon. Il parcourt la France et l’Europe pour trouver LA machine spécifique capable de broyer les filets. En 2019, la jeune entreprise – tout juste constituée – bénéficie d’un fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche (Féamp) pour acquérir cette Rolls qui les conduit directement à l’amorce d’une nouvelle filière industrielle. « Le recyclage des filets de pêche existe au Chili et en Italie aussi, mais le process opère à l’aide de la chimie, par dépolymérisation. Nous, nous voulons garder le mode mécanique pour diminuer l’impact sur l’environnement et respecter nos valeurs« , souligne Yann Louboutin.

La naissance de Nylo

De designers d’objets, les apprentis entrepreneurs sont devenus designers d’écosystème dans lequel ils injectent et récoltent du sens, celui-là même qui les fait vibrer et continuer à avancer. Associé à l’entreprise voisine Guyot Environnement, Fil&Fab récupère ainsi 2 tonnes de filets, du Conquet, toutes les deux semaines, que la startup stocke dans son atelier, à Plougonvelin. Là, ils sont broyés mécaniquement, avant d’être envoyés pour extrusion, à savoir être réduits en granulés de polyamide 6, reconnaissables à leur couleur « vert filet de pêche ». « Nous avons baptisé ce nouveau matériau Nylo« , présente Yann.

Le process en est encore au balbutiement de l’industrialisation, mais plus pour très longtemps. 2022 devrait voir la filière se développer considérablement avec l’arrivée, à Plougonvelin, de la seconde machine, l’extrudeuse, capable de produire 1 000 tonnes de granulés par an. « Nous avons obtenu pour cela une subvention de l’Ademe« , précise Yann. Alors le recyclage sur site sera complet et la filière complètement maîtrisée. Fil&Fab pourra alors étendre son rayonnement jusqu’à essaimer des unités de broyage de filets dans chaque port de pêche. « Nous avons lancé une étude pour identifier les acteurs portuaires intéressés et sur lesquels nous pourrons à chaque fois installer un site équipé d’une broyeuse afin de réduire les filets au plus près de leur source, et créer de l’emploi localement« , déroule Yann.

Un accompagnement sur-mesure

Depuis le début de leur aventure entrepreneuriale, Yann, Thibaut et Théo sont accompagnés par le Technopôle Brest Iroise « qui nous a aidés à nous structurer et saisir les opportunités de développement. Ce n’est pas tous seuls avec nos 75 ans réunis que nous aurions avancé si vite et si bien. Nous sommes vraiment bien accompagnés« , saluent les jeunes entrepreneurs.

 

A terme, Fil&Fab envisage de travailler sur tous les ports français pour y recycler les 600 tonnes de filets jetées chaque année et les transformer en objets design : lunettes, cadran de montre, kayaks… « Nous travaillons également à recréer du fil à partir du Nylo, qui sera dédié à l’industrie textile. » Et pourquoi pas refaire un jour des filets de pêche, et boucler ainsi la boucle.

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