La capacité de résilience de l’économie bretonne tant vantée depuis la crise sanitaire, a-t-elle été épuisée ? Les entreprises, dont les carnets de commandes s’érodent, ont vu leur chiffre d’affaires baisser au second semestre 2023. « Depuis que nous réalisons cette enquête, à savoir 2017, nous n’avons jamais observé une baisse aussi prononcée du chiffre d’affaires, souligne Jean-Pierre Rivery. Près de 40 % des entreprises interrogées relèvent une diminution de leur activité au cours des six derniers mois. Elles ne sont que 25 % à pointer une hausse ». La baisse du pouvoir d’achat semble influer directement ou indirectement sur l’ensemble de l’activité économique.
En fin d’année 2023, le ralentissement économique au niveau national et européen a aussi pesé sur la rentabilité des entreprise bretonnes et leur capacité d’investissement. « Un tiers d’entre elles (32,8%) ont baissé leur niveau d’investissement au cours des 6 derniers mois. Cette proportion n’a jamais été aussi élevée en dehors de la période Covid de 2020. » L’opinion des chefs d’entreprise sur leur situation se dégrade nettement, sans amélioration en vue à court ou à moyen terme.
La confiance dans l’avenir au plus bas
En effet, le retour de l’inflation, même si elle devrait stagner voire reculer en 2024, et le contexte géopolitique ont entamé le moral et la confiance dans l’avenir. « Le niveau de confiance des dirigeants est comparable, dans certains secteurs d’activité, à celui observé lors de la crise Covid », poursuit Jean-Pierre Rivery. Ce sont les commerçants qui affichent le niveau de confiance le plus bas. Ce sont eux aussi qui enregistrent la plus forte régression. Seule l’industrie fait figure d’exception. « C’est le seul secteur dont l‘indice de confiance en l’avenir remonte (+,02 %) pour la seconde année consécutive. » Pour les six premiers mois de l’année 2024, tous les indicateurs, chiffres d’affaires, rentabilité, investissement et même l’emploi sont à la baisse. Tous les secteurs d’activité sont concernés même si celui de la construction apparaît le plus fragilisé et où les prévisions sont particulièrement défavorables. « Seuls 4, 7 % des répondants entrevoient une hausse de leur chiffre d’affaires au premier semestre. Il en est de même pour la rentabilité. » La chute de 20% du logement neuf sur les 12 derniers mois glissants entraine une baisse conséquente sur l’ensemble de l’activité construction-bâtiment en Bretagne.
L’emploi à la peine
« Les chefs d’entreprise n’aiment pas les incertitudes. Ils ont besoin de caps clairs, assure Jean-Pierre Rivery. Même si on est arrivé à un plateau en matière de hausse des prix des matières premières et des matériaux, on ne reviendra jamais au niveau d’avant la crise Covid. » Fait nouveau : l’emploi qui jusque-là tenait bon en Bretagne pourrait fléchir dans les mois à venir. « Nous n’assistons pas à un retournement du marché, mais le taux de chômage, l’un des plus bas en France (5,7% en Bretagne contre 7,1% au niveau national) pourrait légèrement remonter, +0,2 points par rapport à 2023. On assiste à un effet de ciseau. Entre la hausse des prix et la baisse de l’activité, les entreprises ont de plus en plus de difficulté à se projeter que ce soit en matière d’investissement ou de recrutement. »
Le ZAN, un enjeu prioritaire
Au cours de cette enquête, la CCI Bretagne a également interrogé les chefs d’entreprise sur leur connaissance et leur perception du Zéro Artificialisation Nette (ZAN). Ce dispositif, inscrit dans la loi Climat et résilience de 2021, contraint les communes à réduire d’ici 2030 d’au moins 50 % la consommation totale d’espace observée entre 2011 et 2020.
Il en ressort une méconnaissance de la loi et de ses objectifs. Seuls 30% d’entre eux la connaissent. Ils sont un peu plus nombreux dans l’industrie (32%). Par ailleurs, 77% des chefs d’entreprises qui ne connaissant pas le ZAN estiment ne pas être suffisamment sensibilisés à ses enjeux et ses impacts pour leur entreprise. « Nous avons tout un travail d’acculturation à faire, reconnait Jean-Pierre Rivery. Nous devons collectivement expliquer aux entreprises les conséquences de cette loi sur leur développement. Nous devons, avec l’ensemble des parties prenantes (Etat, Région, EPCI), faire en sorte que 25% des friches ou des dents creuses soit flécher sur des projets industriels. Pour que la Bretagne reste attractive et puisse continuer à accueillir de nouvelles activités dans des délais maîtrisés, nous devons être en mesure de proposer des site industriels clés en main. Ces zones doivent aussi devenir des lieux de vie avec, autour, de l’habitat pour les salariés. » Tout un travail de concertation est en cours entre la Région, l’Etablissement public foncier de Bretagne, la Banque des territoires, la CCI de Bretagne et 4 EPCI bretonnes. Objectif : identifier les friches pour optimiser les zones industrielles et faire en sorte que les entreprises bretonnes puissent continuer à se développer.
Retrouvez ici l’intégralité de l’enquête de conjoncture
Retrouvez le témoignage de See You Sun dans le Palmarès 2023-2024 de Bretagne Economique
