Vannes (56). Socomore ou l’épopée d’un demi-siècle d’entrepreneuriat

Le 1er avril 2022 à Vannes, Socomore fêtera ses 50 ans d’existence. La date n’a pas été choisie au hasard. Elle souligne le souci du détail et de la prévision de son Pdg Frédéric Lescure, qui prépare « une belle célébration pour une entreprise qui compte et agit dans son écosystème ». Spécialisée dans la préparation de solutions chimiques pour l’aéronautique, Socomore a bien failli disparaitre avec la crise Covid, mais a su se réinventer en diversifiant son activité et en préservant sa capacité d’innovation. Retour sur une épopée entrepreneuriale où l’imprévu est devenu le ferment d’un nouveau développement.

Chez Socomore, tout commence par un café, « un bon café », servi dans le hall de l’entreprise, là où le personnel se croise, discute, échange sur ses projets boulot ou perso. Ici, la pause est sacrée. « C’est le temps de l’humain, du lien social », précise Frédéric Lescure qui fonde la stratégie de son entreprise sur le partage. « Cest en partageant que notre entreprise crée de la valeur et quelle contribue à relever les défis de notre siècle. »

L’équilibre de la confiance

Selon ce patron, la performance manageriale repose sur un savant mélange de temps dédié à l’entreprise et aux missions professionnelles (75%), du temps dédié à l’élaboration de projets collectifs qui participent au développement de l’écosystème local (20%) et du reste (5%) consacré au développement personnel, à la formation, aux moments de discussions et d’écoute. « Cest le bon équilibre entre épanouissement personnel et développement de lentreprise », précise le dirigeant.

Depuis 24 ans qu’il a racheté Socomore, Frédéric Lescure s’applique lui-même cette équation avec son engagement au sein du GIFAS (Groupement des industries françaises de l’aéronautique et du spatial) et la création, en 2008 à Vannes, de la première crèche interentreprises « Le P’tit Club », réseau qu’il préside depuis pour qu’il devienne national.

Cet équilibre entre engagement professionnel et épanouissement personnel renforce, selon lui, la confiance qui lie les collaborateurs à la direction, et fonde la cohésion d’équipe. Et c’est précisément sur ce substrat que le dirigeant vannetais dit avoir pu s’appuyer, en mars 2020, quand la crise Covid est venue sans crier gare tout ébranler. « Du jour au lendemain, on nous a retiré 90% de notre activité ! »  

L’arrêt brutal des déplacements en avion a cloué au sol non seulement les compagnies aériennes, mais aussi toute la filière dont Socomore est un maillon fort. Spécialisée dans la formulation et la fabrication de solutions chimiques pour le traitement des surfaces aéronautiques, l’entreprise vannetaise réalise 50% de son chiffre d’affaires à l’export :  les géants Airbus et Boeing comptent parmi ses clients prédominants.

 

Le kiff entrepreneurial

Avec la crise sanitaire, « on a perdu pied. Dès les premiers jours du confinement : tout sest écroulé en même temps que tout (re)devenait possible », souligne l’entrepreneur né. En trois jours, Frédéric Lescure a su réorienter les lignes de production de son entreprise vers la fabrication de gel hydroalcoolique et de lingettes désinfectantes.

L’ensemble des collaborateurs l’a suivi. « On a produit jusqu’à 80 000 litres de gel hydroalcoolique par jour. Il fallait répondre à une urgence et à la commande du Préfet du Morbihan. Davril à juin 2020, paradoxalement, nous avons recouvré la liberté dentreprendre en même temps que nous avions le soutien de lEtat pour faire bouger les lignes côté autorisations », salue Frédéric Lescure qui va jusqu’à parler d’un « kiff entrepreneurial ». « Ça a remis sur le devant de la scène la beauté dentreprendre avec tout ce que cela comporte de réflexion, dagilité, de décisions parfois unilatérales et de prises de risque. »

Depuis, la production de gel hydroalcoolique a diminué au sein de l’entreprise. « Cette diversification namène pas de rentabilité », explique Frédéric Lescure. Mais ce levier de diversification, lui, n’est pas abandonné pour autant. Bien au contraire, son initiateur a choisi de l’explorer et de renforcer la gamme de production de solutions chimiques dédiée à la santé humaine.

En rachetant le laboratoire Salvéco le 20 janvier 2021, Socomore a placé ses pions sur l’échiquier de la chimie verte, 100% naturelle. « Salvéco est une pépite incroyable, une cleantech qui développe des innovations chimiques à partir de végétaux. En créant un produit biocide qui est sain pour l’être humain, on est même à la limite de la Deeptech. Mon rôle va être de valoriser ce savoir-faire », projette le dirigeant qui croit pleinement au potentiel de ce produit et à sa croissance exponentielle. « Cette diversification de production va devenir une brique majeure dans la configuration de Socomore post-Covid », prévoit le chef d’entreprise.

Préparer le retour de l’aéronautique

L’aéronautique reste le canal d’activité principal. « Le secteur marque toujours un recul de 40% par rapport à son activité davant Covid », mesure Frédéric Lescure. En septembre dernier, le Pdg a annoncé le rachat d’un de ses concurrents américains Products Techniques, Inc (PTI), basé à Los Angeles. Avec cette acquisition, Socomore étoffe sa gamme de revêtements et de solvants aéronautiques particulièrement reconnus dans les domaines militaire et spatial. Une nouvelle brique technologique qui vient renforcer les capacités de rebond de Socomore et parfaire son éligibilité quand les constructeurs renoueront avec les marchés.

En parallèle, l’entreprise lance la construction d’une extension sur le site de l’usine-mère à Elven (56). Objectif : « préparer le retour de laviation ». Le site sera augmenté de 40% de sa capacité de production. L’investissement industriel est de l’ordre de 10 millions d’euros, financés en partie par le dispositif France Relance. Plus qu’un réflexe de survie, Frédéric Lescure revendique une clairvoyance entrepreneuriale portée par le collectif Socomore, celui-là même qui l’a aidé à faire croître l’entreprise pendant toutes ces années, et qui l’a soutenu lors de la crise.

Faire des paris sur l’avenir

Et des crises, Socomore en a surpassées quelques-unes : 2001 et les attentats du 11 septembre qui plongent l’aviation dans une terrible crise de défiance ; 2009 et la crise financière qui plombe les économies de la majorité des pays. « On a été très mal. Pour sen sortir, jai lancé un cycle dacquisitions : 14 rachats en neuf ans pour renforcer lactivité. Ça a marché, au-delà de nos espérances. Cela a permis aussi de sanctuariser plus de 1000 emplois, quand on sait que chaque emploi industriel génère plus de 3 emplois induits », comptabilise le dirigeant.

Printemps 2020, nouvelle crise et nouvel arrêt des machines. « Nous avons alors décidé de continuer la R&D malgré lincertitude qui régnait. » Socomore mise sur l’avenir, encore et toujours, engage des options en s’appuyant sur les conseils du Corac (Comité d’orientation de la recherche aéronautique civil) qui accompagne l’innovation de l’entreprise vannetaise sur le long terme. « On a pris des paris pour les 15/20 ans à venir : la vingtaine d’ingénieurs du campus Socomore travaille sur la décarbonation de laviation. Cest une projection qui assurera, je lespère, la pérennité de lentreprise au-delà de ma présidence. »

Pour celui qui indexe la longévité du chef d’entreprise à la qualité du story stelling qu’il écrit, l’histoire lui sera servie sur un plateau le 1er avril prochain à l’occasion du cinquantenaire de cette entreprise locale pas banale.

Portrait publié dans le Palmarès des entreprises bretonnes 2021-2022actuellement en ligne

Chiffres et dates clés

Date de création : 1972, racheté en 1998 par Frédéric Lescure
Effectif : 315 collaborateurs
CA 2021 : 68 M €
Sites : Vannes, Elven, Saint-Dié-des-Vosges, Allemagne, Chine, Pologne, Etats-Unis

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