« Doit-on se préparer à un black-out ? » A l’hiver 2022-2023, alors que ce titre faisait la Une de tous les journaux, Guillaume Faure est alternant chez Enedis, employé en tant qu’acheteur trader d’électricité. « Ce risque de coupures d’électricité, je l’ai vécu en tant que citoyen mais aussi de l’intérieur. Je venais d’arriver chez Enedis, j’étais au 19e étage de la tour et au 26e étage, celui de la Direction, les réunions de crise s’enchainaient jour après jour. La guerre en Ukraine, la baisse de la production du parc nucléaire, la chute des livraisons de gaz en provenance de Russie et un pic de froid : tous ces facteurs réunis faisaient craindre le pire. J’ai eu un véritable choc. L’idée de rémunérer les gens pour les inciter à baisser leur consommation aux heures de pointe m’est alors venue. » Et avec elle, la création de LibertéWatts, basée à Rennes.
Des défis énergétiques pour gagner de l’argent
En 2023, alors qu’il poursuit son alternance, Guillaume Faure convainc deux anciens camarades , un de l’EM Lyon où il a obtenu un Master spécialisé Finances et transition énergétique et un autre d’Audencia, de le rejoindre dans l’aventure. Ensemble, ils lancent un premier prototype : « sous forme d’application, nous proposons aux citoyens des défis énergétiques, appelés « effacements. Le principe est d’utiliser un minimum d’électricité pendant les pics de consommation. En échange, ils sont récompensés avec des points qu’ils pourront convertir en euros et en cadeaux chez des partenaires. » Cette solution innovante, qui vient soutenir le réseau électrique pendant les heures de pointe tout en limitant l’utilisation des centrales à gaz et à charbon et, donc, les émissions de CO2 est récompensée dès 2023 au Grand prix du concours national Altern’up. Un an plus tard, Liberté Watts sera également lauréat au concours Crisalide Eco-Activités porté par Bretagne Compétitivité.
15 000 utilisateurs d’ici fin 2025
Pour télécharger gratuitement l’application, il suffit de créer un compte et connecter son appareil sur son compteur Linky pour suivre sa consommation et valider les défis. « Après chaque défi, les utilisateurs cumulent des points échangeables contre de l’argent ou des bons d’achat chez nos partenaires. Aujourd’hui, en plus d’une réduction de leur facture de 10 à 15% , ils perçoivent une rémunération de 60 à 80 euros par an. » 35 millions de foyers sont aujourd’hui équipés d’un compteur Linky , c’est dire si le potentiel est énorme. « Entre janvier et février 2025, on a fait fois dix en termes d’acquisition. C’est pourquoi nous tablons sur 15 000 utilisateurs en fin d’année, 500 000 à l’horizon 2027 -2028. » Côté partenaires, l’équipe cible en priorité les entreprises engagées dans une démarche environnementale. Ils sont déjà une quinzaine mais pourraient grimper à 100 d’ici six mois. « Dans les prochaines semaines, on va lancer des défis de décalage de consommation aux périodes de forte production d’électricité renouvelable. » En effet une surproduction d’électricité par rapport à la demande entraîne sur le marché des prix négatifs en-dessous de zéro. Cela signifie que le producteur accepte de vendre son énergie à perte. Pour le consommateur, à terme, cela pourrait se traduire par des hausses de prix afin de compenser ces pertes. L’approche de Liberté Watts est d’abord comportementale. Elle vise à changer les usages par le jeu. La technologie passe après. C’est aussi sans doute ce qui fait son succès.
Le marché de la flexibilité électrique
Le modèle économique de la start-up repose sur deux piliers : les partenaires, mais aussi le marché de la flexibilité électrique. Ce dernier, piloté par RTE, rémunère les entreprises capables de décaler et moduler leurs consommations électriques via des offres d’effacement, en vue de préserver l’alimentation électrique du plus grand nombre. « Réservé jusqu’à très récemment aux gros consommateurs, notamment les industriels, ce marché s’est ouvert aux acteurs du résidentiel. Via notre application, nous donnons accès à ce marché à nos utilisateurs à qui nous reversons une partie de la valeur de la rémunération que nous touchons de RTE », conclut Guillaume Faure.
Un autre modèle économique est dans les tuyaux mais nous n’en saurons pas plus. Accompagnée par le Poool, la startup a aussi bénéficié de subventions de BPI et de la Région Bretagne. Preuve de son agilité et de la pertinence de son business model , face à des enjeux financiers colossaux.
