Les professionnels de la filière bâtiment en Bretagne sont très inquiets. L’ombre des pénuries de matériaux plane sur les chantiers et menace la fermeture de 30% d’entre eux alors même que l’activité de construction et de rénovation de logement progresse de 11% depuis début 2021. Face à cette situation inédite, la Fédération française du bâtiment en Bretagne a réuni autour d’elle tous les représentants de la filière, maîtres d’ouvrage publics et privés, architectes, négociants en matériaux, banques. Objectif : jouer collectif pour obtenir des engagements du Gouvernement.
« La situation est catastrophique, on n’a jamais vu ça ! 30% des chantiers pourraient s’arrêter en septembre prochain, alors que sous l’effet de la relance, la demande est extrêmement forte, en partculier des organismes HLM, avertit Stéphane Le Teuff, président de la Fédération Française du Bâtiment en Bretagne (FFB Bretagne). La raison de cette menace : la pénurie de matériaux. Amorcée en début d’année sous la pression des chinois et des américains qui sont repartis avant nous, elle n’a fait que se renforcer au cours du premier semestre.
Le bois : des hausses de 100 à 130%
« Le pire c’est le bois avec des hausses de 100 à 130 %, indique Rachel Denis-Lucas, représentante régionale des négociants en matériaux. Nous sommes en concurrence avec les négociants du monde entier. Sur les 4 premiers mois de l’année, les importations chinoises en provenance de France ont augmenté de 40%. Charpente, toiture, coffrage… les entreprises ne sont plus en mesure de poursuivre les chantiers. En matière de placo et d’isolation, les industriels ont même décidé de contingenter les livraisons. Nous ne pouvons même plus passer de commandes et les délais ne cessent de s’allonger. »
« Le bois est passé de 300 euros/m3 à 800 voire 1 000 euros/m3, reprend Stéphane Le Teuff. Reviendra-t-on un jour à 300 euros /m3 ? J’ai du mal à y croire. » Tous les matériaux sont désormais impactés, comme les produits plats en acier (+32 %), les PVC (+30 %) ou encore le cuivre (+30 %). « Dans ma partie, l’électricité, nous ne trouvons plus de disjoncteurs. Or, quand un corps de métier s’arrête, c’est l’ensemble du chantier qui s’arrête. Toute la filière est désorganisée.» Et puis, il faut le dire, « à cela s’ajoute un phénomène de sur-stockage et d’effet d’aubaine pour certains. ».
« On travaille à perte »
Dans ce contexte, les entreprises peinent à rendre un chiffrage. « Les prix sont tellement volatiles et les délais difficiles à maîtriser que nous sommes de plus en plus incapables de répondre à des devis ou des appels d’offres, indique Marie-Laure Le Priol, Présidente de la FFB Morbihan. L’indexation des prix sur tous les marchés publics et privés à venir, mais aussi ceux de plus de trois mois doit se généraliser. Aujourd’hui, les marchés privés ne comportent pas de clause de révision des prix. Résultat, dès qu’on met les pieds sur un chantier, on travaille à perte. »
A Brest le constat est identique : « La hausse du coût de la construction empêche l’accession à la propriété d’un grand nombre de ménages, les primo-accédants, en particulier. Nous sommes à 1 200 – 1500 euros/m², Il faudrait être autour de 1 000/1 200 euros pour que ça passe. Sans compter que cette hausse se cumule à celle du foncier. Les demandes s’accumulent, mais comme les fournisseurs n’ont aucune visibilité, je ne sais plus faire de devis, s’alarme Carole Girardeau, représentante de la FFB 29. « Aujourd’hui, nous sommes les seuls à supporter ces surcoûts. La situation est tellement critique que le risque de dépôts de bilan est important, souligne Xavier Champs, à la tête de la Fédération du BTP d’Ille-et-Vilaine, tout en rappelant que les marchés privés représentent 80 % du chiffre d’affaires du secteur en Bretagne.
Des mesures d’urgence à envisager
« Depuis 2020, la filière bâtiment a créé 50 000 emplois. Nous n’avons bénéficié d’aucune aide de l’Etat pendant la crise sanitaire. Aujourd’hui, les entreprises préfèrent abandonner des chantiers signés non commencés et mettre en activité partielle leurs salariés, faute de matériaux, indique Stéphane Le Teuff. « Dans ce contexte, nous demandons à l’État de prendre des mesures d’urgence telles que le gel des pénalités de retard et la compensation intégrale du chômage partiel en cas de rupture d’approvisionnement ». D’autres mesures pourraient également soulager la trésorerie des entreprises du bâtiment, comme le versement immédiat de la créance d’impôt généré par un carry back (report en arrière des déficits).