
Quand, il cofond les Céramiques de Cornouaille en 1998, à Quimper, Xavier Dutertre entend produire 100 % français. « Pour une entreprise qui vend un produit aussi emblématique que le bol breton, sur un marché à 90% régional, ça va de soi. » Sauf que très vite le modèle ne tient pas, les coûts sont trop importants et risquent de faire couler l’entreprise. Le dirigeant se voit donc contraint de sous-traiter la fabrication des bols (en Pologne, en Chine et au Portugal) et ainsi maintenir ses prix autour de 10 euros le bol. « C’est un produit populaire, il est difficile d’aller au-delà. » Lorsque la crise du Covid, puis la guerre en Ukraine éclatent, l’envolée des prix de transport et les difficultés d’approvisionnement incitent une nouvelle fois le dirigeant à requestionner son modèle. « Une fenêtre s’ouvrait. Je pouvais enfin réaliser mon rêve : produire 100% français. » Malgré un chiffre d‘affaires de 600 K€, il investit 3 M€ dans des machines ultra-modernes (fours, séchoirs, machine de modelage), et un nouveau local à Saint-Evarzec. « Aujourd’hui, grâce à ces machines, j’ai un prix compétitif, seulement 10% plus cher qu’un bol chinois. En deux ans, nous sommes passés de 5 à 23 salariés et mon chiffre d’affaires a grimpé à 2,5 M€ » Fort de ce succès, Xavier Dutertre, qui vend 300 000 bols par an, va se lancer en septembre 2025 dans la fabrication des bolées à cidre, une production encore majoritairement « Made in China ».
Des outils pour passer à l’action
Ce témoignage illustre parfaitement le projet Relocalisons.BZH, initiée en 2022 par la Région Bretagne et aujourd’hui renforcé avec des outils pour aider les entreprises à franchir le pas. « Acheter local reste pour beaucoup d’entrepreneurs un acte militant. Pourtant, la crise du Covid et la guerre en Ukraine ont accentuer la prise de conscience de la vulnérabilité des chaines d’approvisionnement. Attaquer ce sujet des achats permet de rentrer en transition, préserver l’emploi et réduire les impacts environnementaux, expose Loïc Hénaff, conseiller régional en charge du dossier. Le premier réflexe de mes interlocuteurs est souvent de dire : « oui mais c’est beaucoup trop cher. Je veux lutter contre ce mauvais réflexe. » Pour y parvenir la Région a déployé deux outils : l’indice breton de l’achat local (Ibal) qui permet aux PME de mesurer la part des achats en Bretagne et le TCO (Coût Total de Détention). « Celui-ci permet d’évaluer le coût total d’un produit acheté en prenant en compte tous les coûts périphériques, logistique, risque, droit de douane, etc. En le comparant à un produit source en local, beaucoup d’entreprise s’aperçoivent que l’écart n’est pas si grand, en dessous de 10 %. » L’achat local permet aussi de décarboner son activité et donc de réduire les émissions de CO2.
3% des achats relocalisables en Bretagne
« C’est aussi du bon sens et extrêmement vertueux, renchérit Hervé Kermarrec, président du Medef Bretagne. En relocalisant nos achats, ici, en Bretagne, on participe au développement du territoire. On crée de l’emploi et de la richesse et on contribue à inverser le mouvement de désindustrialisation en cours. Il y a donc urgence à faire acte de militantisme, à se mettre au travail et à s’emparer de ces outils. » Plusieurs entreprises ont aussi signé la charte , « Je (re)localise mes achats en Bretagne », s’engageant dans un parcours de deux ans pour analyser, relocaliser » et valoriser leurs achats. « Si on se dit que la relocalisation des achats est une exigence alors ce parcours permet de se conformer à cette exigence, d’opérer comme on le ferait pour une démarche qualité. » Les études montrent qu’environ 10 % des achats des entreprises sont relocalisables, dont 3 % en Bretagne et 7 % ailleurs en France. « Ce petit chiffre de 3% aurait un impact énorme, si le plus grand nombre d’entreprises s’y intéressait. Je pousse à la réflexion les chefs d’entreprise. A chacun de prendre sa part ! », conclut Loïc Hénaff.
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