
Déjà en 2001, quand Clémentine Gallet et Alexandre Hamlyn, jeunes diplômés de l’école d’ingénieurs de Lyon, ont imaginé une tête robotisée capable de passer, couper, dérouler, chauffer et déposer de la fibre de carbone de manière automatisée, le monde de l’industrie n’était pas prêt. Plus de vingt ans après, le secteur de l’aéronautique est devenu accroc à la technologie AFP (Automated Fiber Placement). Près de 200 robots Coriolis s’activent à travers le monde au développement de cette filière. « Aujourd’hui, l’aéronautique représente près de 100% de notre activité. Le reste s’ouvre à la course au large, via la fabrication de foils notamment », souligne Clémentine Gallet, Pdg de cette entreprise industrielle installée depuis 25 ans à Quéven (56).
Touchée mais pas coulée par la crise Covid, la PME morbihannaise est devenue leader auprès des multinationales que sont Airbus (dont les commandes représentent 30 à 50% de l’activité Coriolis), Ariane Group, Dassault aviation, Comac, Bombardier, Safran… En 2024, Coriolis a recouvré sa vitalité et son positionnement d’avant confinement, avec 23 millions d’euros de chiffre d’affaires. Et l’avenir s’annonce prometteur au vu des défis que s’est fixée l’industrie aéronautique pour opérer sa transformation. Coriolis est dans le train pour concevoir l’aviation de demain.
Renouvellement des flottes dans l’aviation civile
Première échéance : 2035 et la mise en service d’une nouvelle génération d’avions, moins carbonés et donc allégés. A cet exercice, Coriolis Composites est un partenaire incontournable. « Nous sommes nés avec la révolution de la décarbonation de l’aviation. En 2005, le robot que nous avons vendu à Airbus a permis de construire le premier avion en matériaux composites. En abandonnant l’aluminium, ils ont réduit de 30% leurs émissions », rappelle l’ingénieure chef d’entreprise. Dans l’aviation, la course à l’allègement est d’autant plus d’actualité que le plan de vol fixe un objectif de zéro émission en 2050. Et le levier pour y parvenir reste le même : l’optimisation des structures.
Spécialiste de la fabrication additive (drapage), Coriolis Composites améliore en continu la fabrication de ses machines et la technologie software qui les guide. « Grâce à l’expertise acquise pendant vingt ans, nous sommes capables de proposer des solutions pour optimiser à la fois les structures et les usines, afin de tendre vers une industrie de la mobilité la moins carbonée possible », explique Clémentine Gallet qui équipe les ateliers des grands avionneurs pour fabriquer les carlingues de demain. « Leurs commandes nous assurent une visibilité sur les dix prochaines années », souligne la dirigeante qui est aussi présidente de la section Aéro-PME du Gifas (groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales).
R&D sur de nouveaux matériaux composites
Le secteur de l’aéronautique garde de belles perspectives de croissance, alimentées par des innovations qui servent sa transition. Chaque année, Coriolis investit 14% de son chiffre d’affaires dans la R&D. Les recherches portent, notamment, sur l’utilisation de matériaux composites recyclés, voire biosourcés pour certaines applications. Les développements se concentrent sur l’adaptation de nouvelles motorisations, comme la propulsion à hydrogène. « Sur ce sujet, nous travaillons avec l’Université Bretagne sud pour tester la fabrication de réservoirs en composites », explique Clémentine Gallet qui a obtenu un accompagnement du plan de relance France 2030 et de la Région Bretagne sur ce projet.
Côté spatial, les choses bougent aussi avec l’arrivée de nouveaux clients fournisseurs de Ariane Group et SpaceX pour lequel Coriolis intervient dans la construction automatisée de morceaux de fusées. « Nous travaillons également pour la Défense qui développe des engins en série, type drones. Tous ces marchés nous assurent une activité régulière et équilibrée, à raison de trois à cinq robots conçus et livrés chaque année », se satisfait Clémentine Gallet qui assume une croissance stable et rentable.
Diversification en attente
La diversification des marchés reste un objectif à concrétiser. Souvent approchée, l’industrie automobile n’a pas encore embarqué pour la fabrication composite. « Ils finiront par y venir », patiente Clémentine Gallet. Idem pour le nautisme, ce Graal, qui intègre doucement et sur quelques segments seulement la robotisation. « Il nous faut 20 000 heures de développement pour concevoir un robot et son logiciel. On reste donc prudents avant d’adresser pleinement ces marchés », explique la dirigeante, aguerrie par vingt années d’attente parfois déchue.
En attendant, Coriolis s’active à opérer sa propre transformation, à poser et repenser sa stratégie. « Les récentes crises traversées m’ont appris à partager les responsabilités et mieux déléguer. Aujourd’hui, la collégialité draine le management de l’entreprise et nous permet d’appréhender de nouveaux enjeux comme la transition écologique en interne », souligne Clémentine Gallet qui s’est dégagée du temps pour participer à la Convention des entreprises pour le climat, version industrie.
// Cet article est extrait du Palmarès des entreprises bretonnes 2024-2025, paru en décembre dernier //
Chiffres clés
CA 2024 : 23 millions d’euros
Effectif : 120 personnes
Sites : Quéven, Allemagne, Etats-Unis, Chine (commercial et services techniques)
International : 60% (Europe, Chine, USA)