Memento Temporï (35). Un savoir-faire unique en Europe menacé par la pandémie

Le Louvre, le British Museum, le Paul Getty Museum… Tous ces musées prestigieux travaillent avec Memento Temporï, un atelier d’art fondé en 2005 en Bretagne par Patrick Arnal, mais qui a pris son véritable essor en 2019. La raison de ce succès : la qualité exceptionnelle de ses reproductions de pièces archéologiques en terre cuite de différentes civilisations anciennes. Avec la Covid-19 et la fermeture brutale de l’ensemble des musées à travers le monde, toutes les commandes, plusieurs milliers de pièces, sont en stand-by. « Depuis un an, c’est moi qui avance l’argent, mais je suis au bout de mes réserves », nous confie le dirigeant. 

Niché à Bazouges-la-Pérouse, au cœur d’un triangle Rennes Saint-Malo Fougères, Memento Temporï  est un atelier d’art où s’entassent quelque 600 moules accumulés en une vingtaine d’années. Dans la pièce qui sert d’accueil, une large vitrine regorge de reproductions de pièces archéologiques de toutes les époques et de tous les continents. On dirait des pièces originales tellement le travail de finition est minutieux et la technique de moulage maîtrisée. Dans une autre partie de l’atelier, d’autres centaines de reproductions sont soigneusement rangées sur des étagères, dans l’attente de pouvoir être expédiées.
 
« En février 2020, avant le 1er confinement, nous avons juste eu le temps d’expédier 300 amphores en terre cuite au parc Astérix. Nous devions démarrer la fabrication de 10 000 hippopotames en céramique bleue, réplique d’une pièce maîtresse du Musée du Louvre. En attendant sa réouverture, nous continuons à affiner les couleurs et le décor. C’est une pièce très complexe à faire. Le moule comprend 7 parties pour une pièce qui mesure 6 cm de long », raconte avec passion Patrick Arnal, historien de formation. Face à un afflux de commandes, il a investi 450 000 euros dans cet atelier d’art de 700 m² situé à Bazouges-la Pérouse, une « Petite cité de caractère » dont le maire tente aujourd’hui de décrocher une autre reconnaissance, celle de « Ville et Métiers d’art ». « Seules trois villes bretonnes ont obtenu ce label. Moi-même, je suis en train de constituer mon dossier pour obtenir celui d’Entreprise du Patrimoine Vivant (EPV) ».

 

Deux-tiers de l’activité à l’international

Patrick Arnal est en pourparlers avec le Musée du Vatican, le Prado (Madrid), le musée Egyptien de Barcelone, le Rijksmuseum Van Oudheden aux Pays-Bas ou encore le Bristish Museum pour des pièces sur mesure. « Aujourd’hui, nous sommes aussi en négociation avec la Villa Getty de Los-Angeles pour leur collection annuelle égyptienne et avec le musée des antiquités de San-Francisco pour la reproduction d’une urne funéraire en bronze. La moitié de notre activité est réalisée à l’international. Dès que les musées rouvriront, nous atteindrons les 2/3 de notre activité. Nous expédions partout dans le monde : Japon, Australie, Mexique, etc. Seulement, depuis le 15 mai 2020, tout est bloqué. » En France, Patrick Arnal travaille avec la Réunion des musées nationaux, concessionnaire des boutiques du Louvre et d’une cinquantaine d’autres musées, ainsi que pour le Centre des Monuments Nationaux.   . Cette institution gère aussi toutes les boutiques des monuments historiques nationaux, 80 sites parmi lesquels, L’Arc de Triomphe, le Mont Saint-Michel ou encore Notre-Dame. « Nous allons devenir fournisseur exclusif de tous leurs moulages de reproduction. Nous sommes également sollicités par les Ateliers du Louvre pour la reproduction d’un aryballe en forme de chouette. Ce petit vase était utilisé durant l’Antiquité, par les athlètes grecs, pour stocker l’huile parfumée dont ils s’enduisaient le corps avant les compétitions. »

 

Des techniques utilisées dans l’antiquité

Patrick Arnal et son associé, Denis Hanifi,  ont pris possession de leur nouvel atelier en décembre 2019. Courant 2020, ils ont recruté 6 personnes qu’ils ont formées en interne. « Toutes nos reproductions sont réalisées à la main avec de l’argile et décorées à la main. Nous fabriquons l’ensemble de nos engobes et de nos émaux (finitions imitations de pierre ou bleu égyptien par exemple). Nous utilisons aussi des pigments déjà utilisés par les anciennes civilisations. J’exécute moi-même les modèles d’après des documents photographiques et des techniques déjà utilisées dans l’antiquité. Chaque pièce est unique. » Memento Temporï est le seul atelier en Europe à travailler ainsi, pour des petites et des grandes séries, toutes civilisations confondues. Ce savoir-faire exceptionnel est aujourd’hui reconnu. « Il existe une vraie tendance de fonds à privilégier la qualité. A l’occasion des appels d’offres, nous sommes très souvent en concurrence avec des chinois. Quand les représentants des musées voient nos pièces, ils acceptent de payer un peu plus cher ». En 2020, ce sont 7 000 à 8 000 pièces qui auraient dû sortir de l’atelier. Au final, seul un millier a pu être livré.

 

Préserver sa trésorerie, le nerf de la guerre

L’absence de rentrée d’argent commence à fragiliser l’entreprise. « J’ai financé une partie du bâtiment sur mes fonds propres et faute de chiffre d’affaires en 2019, je n’ai pas pu obtenir de PGE. Je suis au bout de mes réserves, d’autant plus que pour former mes salariés, je n’ai activé le chômage partiel  5j/5 que fin 2020. Aujourd’hui, je bataille pour réunir un maximum de trésorerie et avoir encore les reins solides pendant six mois à un an. Ça porte  ses fruits : je devrais obtenir un PGE de 60 000 euros auprès de la banque ». Patrick Arnal s’est aussi appuyé sur les conseils de Morgane Pennec, conseillère financement à la CCI Ille-et-Vilaine. « Elle m’a aidé à constituer un dossier Pass Investissement auprès de la Région Bretagne. Grâce à son intervention, j’ai obtenu une subvention de près de 30 000 euros pour l’achat d’un scanner 3 D. Elle a également fait une demande auprès du fonds de revitalisation pour l’investissement productif (FINEA 35). J’espère obtenir 65 000 euros d’avance remboursable sur cinq ans. Nous faisons un point régulièrement. C’est un soutien précieux. » Toute cette dépense d’énergie ne suffit pas toujours face à la lourdeur administrative. « Nous sommes mi-mars et je n’ai toujours pas reçu le chômage partiel de janvier et février. C’est encore l’entreprise qui doit avancer les montants », soupire Patrick Arnal.

 

De nouveaux axes de développement

En attendant que la situation se débloque et les musées rouvrent leur portes, Memento Temporï développe une activité de restauration de patrimoine. « Je travaille avec des architectes et des maîtres d’œuvre. Ils me commandent des pièces uniques comme des carreaux en grès ou des briques émaillées pour des villas d’exception. Nous avons également réalisé des poignées coquille en porcelaine pour un menuisier. Par chance, là encore, le bouche à oreille va très vite et les contacts se multiplient. On nous sollicite pour des bijoux en bronze. Notre cœur de métier restera la reproduction mais nous devons envisager d’autres axes de développement.» Le site Internet est également en pleine refonte. « Nous en profitons pour le relier à notre ERP. Avec 800 à 900 références à rentrer, ça prend du temps, mais à terme on espère qu’il représentera entre 5 et 10 % du chiffre d’affaires. »

Tout un chacun peut acheter en ligne une des reproductions signées Memento Temporï. Alors n’hésitez pas aller visiter le site Internet et découvrir les différentes collections d’Asie, d’Egypte, d’Europe, de Mésopotamie, de Méditerranée… Une façon unique de voyager dans le temps.


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