Fils de mareyeur quiberonnais, Stéphane Le Nain a suivi les traces de son père, qui lui-même avait suivi celles de sa mère. « J’ai tout de même créé ma boîte avec mon épouse, je n’ai pas repris celle de mon père », tient-il à souligner, comme pour justifier la tâche accomplie, sans rien devoir à personne. Car avec 7,3 millions d’euro de chiffre d’affaires enregistré en 2011 sur ses deux sites (l’atelier de marée/plateforme de logistique de Lorient et la poissonnerie de Quiberon), les Viviers quiberonnais est loin d’être une petite affaire. « Avec nos 10 % de croissance annuelle, on peut dire qu’on se débrouille pas mal dans le milieu de la marée », reconnaît modestement Stéphane Le Nain.
« Mais nous avons fait de vrais choix, des choix tranchés qui n’ont pas été forcément évidents au départ », poursuit le directeur. La stratégie des Viviers quiberonnais consiste en effet à ne vendre que des poissons nobles. « Du bar de ligne, du turbot, de la sole, du rouget, de la lotte et du Saint-Pierre par exemple, pêchés par des petits bateaux. Tous les matins, on achète physiquement aux criées de Lorient, Roscoff et Quiberon, et l’après-midi par Internet aux autres criées bretonnes de Saint-Guénolé, Audierne et Brest. »
Une clientèle plutôt huppée
De ce choix de l’excellence, découle une clientèle plutôt huppée. Et pour ça, Stéphane Le Nain sait y faire. A sa poissonnerie de Quiberon, de Pâques à octobre, il touche majoritairement des résidents secondaires et des touristes exigeants sur la qualité. « Des grands patrons, ravis de leur retour en Bretagne, me passent parfois des commandes de plusieurs milliers d’euros qu’il faut livrer illico sur Paris ou ailleurs… », confie-t-il. « Certains sont presque devenus des copains. Il faut dire que je suis réactif et disponible. Ils savent qu’ils peuvent compter sur moi ».
Outre la vente en direct à la poissonnerie de Quiberon, l’entreprise fournit de nombreux grossistes, poissonniers et restaurants basés à Paris, sur toute la France et même au-delà (Espagne, Italie, Belgique, Luxembourg). Stéphane Le Nain est très fier de fournir « Le Chasse-Marée », un très grand poissonnier situé dans le XVIe arrondissement rue Mozart, ainsi que le restaurant « Marius et Jeannette » avenue Georges V. Il est également ravi de fournir des restaurants et grossistes sur la Côte d’Azur (Marseille, Cannes et Nice), chez qui le bouche-à-oreille et le copinage fonctionnent plutôt très bien…
Les Viviers quiberonnais développent enfin une ligne de produits traiteur, fabriqués par un cuisinier salarié et présent à la poissonnerie de Quiberon. « Il y a une vraie demande pour ce type de produit frais, de qualité, cuisiné, à manger chez soi. Lorsque ces dames sont en vacances, elles n’ont pas forcément envie de cuisiner midi et soir », souligne Stéphane Le Nain. Aux beaux jours, paëllas, choucroutes de la mer, et autres brandades de morue partent très bien.
« La grande distribution ? (…) Je vois pas l’intérêt »
Pourtant, malgré cette réussite, Stéphane Le Nain n’envisage pas de développer son entreprise. « J’ai recruté les bonnes personnes, je suis bien entouré. Et je souhaite rester au contact du client. Nous sommes deux à Quiberon – 6 en saison – et 6 à Lorient. Cette petite dimension, déjà très lourde à gérer pour moi, est appréciée de notre clientèle. ». Et la grande distribution, pas envie de la draguer un peu ? « Surtout pas ! Tous les jours je vois à la criée de Lorient mes confrères qui triment pour vendre de grandes quantités de poissons filetés à trois francs six sous. Certains sont sur le point de mettre la clé sous la porte. Franchement, je ne vois pas l’intérêt… ». Stéphane le Nain et son épouse Fabienne ont tout de même un challenge : avec Guy Danic, ils ont racheté, en août 2011, l’entreprise de fumaison Saumon Fumé Sauvage d’Irlande, à Saint Pierre Quiberon (rebaptisée Côté Sauvage) et dont on retrouve les produits en vente au rayon traiteur de la poissonnerie Les Viviers quiberonnais.
Charlotte Viart
Bretagne Economique n°214 Mai 2012