« Les Bretons sont des gens entreprenants et solides, ils sauront se relever de cette crise »

L'ancienne préfète de région Bretagne, Michèle Kirry, nous a accordé son dernier entretien, le 5 novembre, en pleine accélération de la seconde vague de Covid-19. Elle a quitté son poste le 13 novembre pour rejoindre Paris et devenir présidente du Conseil supérieur de l’appui territorial et de l'évaluation. Emmanuel Berthier a depuis pris sa suite.

Avez-vous le sentiment que les Bretons sont mieux armés que les autres pour faire face à cette nouvelle vague de coronavirus ?

La Bretagne est une terre singulière, pétrie de valeurs sociales et de goût des autres. Le travail est une valeur forte, profondément ancrée. La région a démarré l’année 2020 avec un taux de chômage parmi les plus bas de France, aux alentours de 7% et une multitude de projets ambitieux. Tout au long de cette crise, nous avons constamment dialogué non seulement avec les élus bretons mais aussi avec l’ensemble du monde économique pour inventer les réponses les plus pertinentes pour sauvegarder les emplois et les compétences et permettre à chacun d’affronter la situation. C’est une force de travailler ensemble. J’ai donc la ferme conviction que la Bretagne économique saura se relever et s’emparer des dispositifs mis en place pour se projeter dans l’avenir.

 

La Bretagne est-elle aussi impactée que les autres régions ?

Durant la première vague de l’épidémie, la Bretagne et, au-delà, l’ensemble de la façade ouest, ont été plus épargnées que le reste de la France. Cela a notamment permis aux hôpitaux bretons d’accueillir 83 patients en provenance des régions du Grand Est et de l’Île-de-France. Aujourd’hui, nous sommes face à une deuxième vague qui va être probablement plus forte et plus longue que la précédente. Au moment où je vous parle (5 novembre), la Bretagne affiche le taux d’incidence le plus bas de toutes les régions. Nous sommes encore les plus épargnés alors même qu’en moins d’une quinzaine de jours, entre le 21 octobre et le 4 novembre, le taux d’incidence a doublé1. Cette hausse soudaine justifie qu’on se conforme tous aux mesures qui sont prescrites.

 

Quel est votre message aux chefs d’entreprise, aux commerçants en particulier ?

Cette crise est grave, éprouvante, et anxiogène pour tout le monde. Qui plus est, elle impacte, de façon totalement inédite, nos libertés publiques. Cependant, il faut garder la tête froide, car notre capacité à nous en sortir dépendra également de la qualité du dialogue social et de la cohésion sociale. Les commerçants ont été exemplaires lors de la première vague. Je trouve aussi admirable qu’ils préfèrent travailler plutôt que de recevoir des aides de l’Etat. Toutefois, il n’y a aucune stigmatisation à leur endroit. La situation sanitaire est alarmante et la circulation très active du virus dans l’ensemble de la population nécessite un respect absolu des mesures mises en place pour éviter le brassage des populations et lutter contre l’épidémie. C’est pourquoi, actuellement, seuls les commerces vendant des produits de première nécessité sont autorisés à accueillir du public. C’est donc un message de responsabilité collective et de résilience, que je leur adresse.

 

Quels nouveaux dispositifs de soutien aux entreprises sont entrés en vigueur fin octobre ?

Contrairement à la première vague, depuis fin octobre, le choix est fait de confiner la population sans confiner totalement l’économie. L’expression « quoi qu’il en coûte » employée par le Président de la République, Emmanuel Macron, en mars dernier, est encore plus vraie aujourd’hui. Lorsque le second confinement a été décidé, le ministre de l’Economie, des finances et de la relance, Bruno Lemaire, a indiqué que 15 milliards d’euros2 par mois de confinement seraient mobilisés pour accompagner cette deuxième vague. Cela se traduit par une amplification des aides existantes, afin de couvrir toutes les situations et de soutenir toutes les entreprises, en particulier celles qui n’étaient pas éligibles aux dispositifs mis en place lors de la première vague.

 

Dans le détail, quelles sont ces nouvelles aides ?

Au-delà du recours à l’activité partielle, couverte à 100 %, on peut citer le fonds de solidarité. Réactivé pour tous et massivement renforcé pour la durée du confinement, il permet d’indemniser jusqu’à 10 000 euros les commerces et entreprises de moins de 50 salariés fermés administrativement, et celles faisant partie de secteurs sévèrement affectés (tourisme, culture…), qui auront perdu plus de 50 % de leur chiffre d’affaires. Pour toutes les autres « sans exception » (de moins de 50 salariés), ainsi que pour les indépendants, une indemnité sera possible à hauteur de 1 500 euros par mois. Ces aides sont accessibles durant toute la durée de l’état d’urgence, c’est-à-dire jusqu’au 16 février.

 

L’Etat peut également accorder des prêts directs aux entreprises, y compris celles à qui les banques ont refusé un prêt garanti par l’État (PGE). Ces prêts pourront atteindre 10 000 euros pour les entreprises de moins de 10 salariés, 50 000 euros pour celles qui ont entre 10 à 49 salariés. A ces dispositifs s’ajoutent les exonérations et report de cotisations sociales. Pour préserver les emplois, la France a fait le choix de mettre en place un filet de sécurité sans équivalent en Europe, en termes de sommes en jeu et de couverture des besoins des entreprises, avec des mesures massives, pérennisées dans le temps et évolutives.

 

France Relance. Quelles sont les mesures phares ? Quelles entreprises bretonnes peuvent en bénéficier ?

Annoncé le 3 septembre par le Président de la République, France Relance est un plan massif pour accélérer la résilience de notre pays au sortir de la crise et les transitions. Il est doté de 100 milliards d’euros sur deux ans, dont 40 milliards financés par l’Union européenne. Les priorités sont le verdissement de l’économie (30 milliards), la reconquête de notre souveraineté industrielle (35 milliards) et la cohésion sociale et territoriale (35 milliards). On retrouve notamment, dans ce dernier train de mesures, toutes les aides annoncées cet été en faveur de l’emploi des jeunes avec le plan #1jeune1solution. Les entreprises et les collectivités bretonnes doivent se saisir de ce plan de relance inédit.  Quatre milliards d’euros sont notamment consacrés à la rénovation thermique des bâtiments publics (écoles, universités, préfectures, commissariats, gendarmeries…), qui permettront de lancer de nombreux chantiers dès 2021. Ces investissements vont à la fois permettre de soutenir le secteur de la construction, en générant de multiples chantiers, et de réduire l’empreinte énergétique des bâtiments publics. L’exécution de ce plan se fera sans perte de temps et courra sur 2021 et 2022. Il faut que les dossiers soient prêts pour mobiliser l’argent dès qu’il sera disponible. En Bretagne, quelque 350 dossiers ont été déposés.

 

A quoi sert le fonds d’accélération des investissements industriels dans les territoires ?

Ce fonds s’inscrit dans le cadre de France Relance. Il est doté de 150 millions d’euros sur 2020 à l’échelle nationale. Il permet d’accélérer la réalisation d’investissements industriels importants en Bretagne. Une soixantaine de projets ont d’ores et déjà fait l’objet d’une décision concertée entre nos services et ceux du Conseil régional, sur proposition des industriels et des élus du territoire. Ils permettront aux entreprises concernées de diversifier leur activité, de moderniser leurs procédés de fabrication et de pérenniser leur présence en Bretagne. Il s’agit ainsi de conforter les emplois d’aujourd’hui et de préparer ceux de demain. Un comité régional de pilotage et de suivi, constitué des forces économiques (élus locaux et partenaires sociaux) au premier rang desquels le Conseil régional, assurera le suivi de ce fonds. Il aura en charge de faire connaître précisément combien d’entreprises bénéficient de telle ou telle mesure.

 

Les CCI seront-elles sollicitées ?

Les CCI sont les interlocuteurs privilégiés des entreprises, les TPE en particulier. Elles sont une porte d’entrée unique pour leur apporter toutes les informations sur les dispositifs d’aide auxquels elles ont droit et les aider à s’en saisir. Aujourd’hui, elles se mobilisent pour sensibiliser et accompagner les entreprises industrielles à la mise en œuvre de « France Relance. Je salue leur travail. Il est essentiel pour faire remonter les projets à financer. A ce titre, elles seront associées aux comités départementaux de pilotage en charge du suivi du fonds d’accélération des investissements industriels dans les territoires. L’enjeu désormais, c’est que les entreprises industrielles se saisissent de ce plan. C’est grâce à la mobilisation de tous que nous ferons du plan de relance un succès pour l’industrie bretonne, en l’aidant à produire davantage sur notre territoire, tout en améliorant son bilan carbone. Les CCI sont indispensables à la résilience de l’économie bretonne.

 

Emmanuel Berthier, nouveau Préfet de la région Bretagne

 

Depuis le 16 novembre, Emmanuel Berthier est le nouveau préfet de la région Bretagne, préfet de la zone de défense et de sécurité Ouest et préfet d’Ille-et-Vilaine. Il était jusqu’alors directeur général des Outre-Mer, après avoir été préfet de Moselle, de janvier 2016 à septembre 2017. Emmanuel Berthier a également été préfet de l’Oise entre 2013 et 2016 et avant cela, Délégué interministériel à l’aménagement du territoire et à l’attractivité régionale pendant trois ans.

 

 

 

1-21 octobre :111 cas / 100 000 habitants – 4 novembre : 222 cas / 100 000

2 15 milliards répartis comme suit : 6 Mds fonds de solidarité, 7 Mds activité partielle, 1 Md exonération cotisations sociales, 1 Md pour la prise en charge des loyers.

 

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