Alors que chaque jour, les Etats-Unis ne cessent de brandir de nouveaux droits de douane, les entreprises font le dos rond et l’Europe prépare sa réplique. Dans ce contexte, selon les derniers chiffres des Douanes, les exportations bretonnes enregistrent, sur ce marché, au 1er trimestre 2025, un premier ralentissement : -28% par rapport au 4e trimestre 2024 et -20% par rapport au 1er trimestre. Pourtant, selon l’étude « les entreprises bretonnes à l’international », présentée ce mardi 3 juin par la CCI Bretagne et Bretagne Commerce International (BCI), les PME, malgré un contexte d’incertitude grandissant, avaient jusqu’ici plutôt bien résisté, améliorant même la balance commerciale en 2023 et 2024.
« Produite tous les deux ans, « Les entreprises bretonnes à l’international » se présente comme un « thermomètre » de l’activité du commerce extérieur breton, un outil d’éclairage pour mieux partir à l’international, introduit Jean-Pierre Rivery, président de la CCI Bretagne. L’activité à l’export représente 10% de la valeur ajoutée bretonne. » Pour cette édition 2025, les entreprises ont été interrogées au cours du 1er trimestre de l’année, soit quelques jours avant les annonces de Donald Trump sur les droits de douanes à l’entrée des Etats-Unis. «22 % des PME et TPE bretonnes exportent (18% dans les Pays de la Loire). C’est un chiffre très important », poursuit, Christian Queffelec, président de BCI. Il y a plus de raisons à partir à l’international que le contraire : l’entreprise se frotte à la concurrence, à des cultures différentes et devient plus innovante. Pour certaines, c’est tout simplement une question de survie car le marché intérieur ne suffit pas. »
Une balance commerciale qui tend à se redresser
L’étude pointe en premier lieu une amélioration de la balance commerciale en 2023 et 2024 : « le conflit russo-ukrainien survenu en 2022 – dans un contexte de reprise post-Covid – a permis aux exportation (en valeur) de résister alors que dans le même temps, les importations reculaient fortement », explique Nathalie Boursier, en charge des études à la CCI Bretagne. Résultat, en 2024, le solde commerciale atteint -1630 M€.
Avec près de 4,9 milliards d’euros échangés, l’agroalimentaire reste le pilier des exportations bretonnes, en particulier le lait et les viandes dont les filières représentent à elles seules 55% des produits exportés. Les produits IAA exportés progressent en moyenne annuelle de 4 % entre 2019 et 2025. « Le secteur pèse 40 % dans le total des exportations bretonnes. Au niveau national cette part n’est que de 11% ». Avec un tel poids du secteur, la Bretagne est la 6e région exportatrice de produits agroalimentaires. « Elle assure 7% des exportations nationales. »
Baisse du nombre des exportateurs
L’autre enseignement tiré de cette étude est la baisse du nombre d’exportateurs en 2023 qui reflète la tendance nationale remarquée depuis 2 ans (-3,8% en 2 ans au niveau national). Si le socle d’exportateurs réguliers reste stable (environ 2 100), on compte néanmoins plus de sortants et moins d’entrants et une baisse continue depuis 6 ans de la part globale du montant des exportations réalisé par les 100 premiers exportateurs. « En 2018, ils réalisaient 92 % des exportations contre 70 % en 2024, soit 22 points en moins en valeur en 6 ans », souligne Nathalie Boursier.
L’Europe concentre 68,5 % des exportations bretonnes
Bien que le solde reste positif (différence entre hausse et baisse des exportations), il diminue de 14 points depuis la précédente mesure. La situation est comparable pour les perspectives à l’import. Le contexte géopolitique instable (tensions géopolitiques, inflation, post-Covid, protectionnisme US) se répercute sur les projections des dirigeants. 1/3 des entreprises ont cessé d’exporter vers au moins un pays ces deux dernières années. Les pays les plus touchés étant l’Ukraine et la Russie. « L’Europe reste le marché le plus facile d’accès et le plus sécurisé tant au niveau réglementaire que financier », expose Annie Berthelot, directrice générale de BCI. La proximité en termes de logistique en fait une zone privilégiée. Elle concentre 68,5% des exportations bretonnes. » A noter que les exportations vers l’Italie progressent de 13 % en deux ans, les importations en provenance de Chine baissent de 31% et celles en provenance de Russie s’effondrent de 80%. « La tendance de fonds est que les PME bretonnes se rapprochent de plus physiquement de leurs marchés, y compris hors zone Europe »
Les Etats-Unis, une cible toujours privilégiée
Le volume de projets à l’export se stabilise en Europe contrairement aux autres zones qui enregistrent des baisses importantes du nombre de projets. Si les Etats-Unis restent le premier pays cité pour des projets à l’export, la part de l’Europe dans le volume de projets passe de 40% en 2023 à 49% en 2025. « On est sorti du Covid avec beaucoup d’entrain pour repartir sur les marchés internationaux, poursuit Annie Berthelot. Aujourd’hui, on rentre dans une phase d’incertitude avec une inquiétude qui s’installe et se renforce à chaque nouvelle annonce en provenance des Etats-Unis. Pour autant, le marché américain reste un relais de croissance important. Les entreprises continuent de vouloir y aller. » C’est notamment le cas de Biosensy à Rennes, une Medtech créée en 2015. Marie Pirotais, sa cofondatrice et, membre du directoire de BCI, a témoigné, ce jour, sur son approche du marché américain avant et après 2024. Nous y reviendrons dans un prochain article mais la montée de l’inquiétude depuis l’arrivée de Donald Trump dépasse le seul périmètre de son entreprise.
Les prochaines négociations entre l’Europe et les Etats-Unis, en juillet, seront décisives., mais aujourd’hui les échanges entre les deux pays ne se sont pas arrêtés. « Je peux citer l’exemple d’un fabricant breton de pièces de machines spéciales dont les 10% de hausse des droits de douane sont pris en charge par l’importateur américains. Dans un autre cas, c’est l’exportateur breton qui assume les 10% de hausse sur le prix des conteneurs qu’il expédie là-bas. Dans l’ensemble, les PME attendent les élections de mi-mandat de 2026. Certaines restent très optimistes car la situation leur offre l’opportunité de prendre une place sur le marché américain », remarque Christian Queffelec.
BCI aux côtés des entreprises
Parmi les freins majeurs rencontrés aujourd’hui par les entreprises dans leur développement international, le contexte géopolitique bondi de la 6e place à la 1ere place. Il est suivi de la réglementation, des coûts de transport et des difficultés à trouver des partenaires. Les TPE mettent en avant quant à elle la fragilité financière et logistique. « BCI est là pour aider les entreprises à décrypter tout ces mécanismes. On a mis en ligne un dossier « US Impact ». En matière réglementaire, on organise chaque année plus de 50 réunions. Au globale, on coache plus de 1 000 entreprises. Nous sommes aussi là pour les aider à trouver sur place les bons partenaires avec plus de 200 contacts qualifiés aux quatre coins du monde. » Ce soutien via BCI pourrait se révéler d’autant plus précieux dans les mois à venir, alors que les dernières statistiques des Douanes viennent de tomber : « Au premier trimestre 2025, les exportations bretonnes vers les Etats-Unis ont reculé de 28 % par rapport au 4ème trimestre 2024, de 20% par rapport au 1er trimestre 2024. L’impact est donc très important, mais il est n’est pas spécifique à la Bretagne. Pour les Etats-Unis, cette situation n’est pas tenable. Dans les mois à venir, on va nécessairement retrouver une certaine rationalisation et stabilisation des règles », conclut Annie Berthelot tout en soulignant la capacité de résilience des PME bretonnes.
Bretagne Commerce International