Luc Fernandez intègre à 16 ans la Marine national à Brest. Très vite, il devient oreille d’or après une formation intense de 3 ans à Toulon où se trouve le seul Centre d’interprétation et de reconnaissance acoustique (Cira) en France. Ils ne sont qu’une cinquantaine en France à maîtriser un tel degré d’analyse. Un métier où le droit à l’erreur est interdit. « J’ai couvert deux guerres, celle du Golfe, puis celle du Kosovo. Il faut avoir une audition parfaite, niveau dix sur dix, être réactif, passionné et avoir une énorme capacité de mémorisation. Durant toutes ces années, j’ai appris la concentration, le management, le leadership et bien sûr l’écoute . »
D’oreille d’or à responsable de sites industriels
Toutes ces compétences acquises dans la marine lui serviront quand en 2002, pour des raisons familiales, l’homme décide de changer de voie. A 35 ans, il intègre grâce à marine mobilité une formation en gestion de production dispensée au sein de l’arsenal de Toulon et décroche, deux ans plus tard, un poste chez un fabricant de passeports biométriques à Sofia Antipolis. Ses qualités de manager sont rapidement repérées et il se voit confier la responsabilité du site (250 personnes). « L’usine tournait en 5X8, je ne m’arrêtais jamais. Aujourd’hui encore, je suis sans arrêt en mouvement. »
En 2010, Luc Fernandez intègre Tordjman Metal Group en région parisienne pour un projet de création. « Norbert Tordjman, m’a pris sous sa coupe et m’a formé à la Direction. Il m’a tout appris et au fil des années, il est devenu mon mentor. » En 2015, l’ancien officier marinier décroche un poste de directeur général au sein des menuiseries Ouvêo à Saint-Etienne. « J’y ai découvert le monde de l’investissement ». Muté au siège en 2018, il y reste jusque fin 2019, année du rachat du groupe par un pool d’investisseurs financiers.
Reprise du groupe Riaux fin 2022
« Après avoir été N°2 pendant des années, je décide de reprendre une entreprise et devenir par là même, N°1. » Il mobilise alors les gros fonds dont Ardian et leur fait part de son projet. En même temps qu’il étudie des dossiers de reprise, il mène des missions en tant que manager de transition dans des PME. « En 2021, je me positionne une première fois sur le dossier Riaux Escaliers. Nous sommes une vingtaine de prétendants et devinez quoi ? Je finis à nouveau second. » Et alors qu’il est déjà en train d’étudier un nouveau dossier, les conseillers du groupe Riaux le rappelle et l’informe de l’annulation de la transaction par le repreneur. « Nous sommes en mars 2022, la guerre en Ukraine a fait flamber les prix de l’énergie. Il n’a pas voulu prendre de risques. » Luc Fernandez reprend le dossier et finalise, fin 2022, le rachat du fabricant d’escalier en investissant aux côtés de Sodero gestion, actionnaire majoritaire, le Fonds Bois et Eco-Matériaux de Bpifrance ainsi que quelques cadres du groupe.
A ce moment-là, le groupe Riaux, créé en 1977, emploie 230 salariés pour un chiffre d’affaires de 24,8 millions d’euros. Un an après, fin 2023, l’effectif a grimpé à 265 personnes et le chiffre d’affaires a fait un bon à 30 millions d’euros. « En un an, nous sommes passés de 54 départements à 62 en développant le sud de la France, sous une ligne Bordeaux-Lyon, où nous étions quasiment absents. L’objectif est de poursuivre ces ouvertures pour, à l’horizon 2027, atteindre 35 millions d’euros de chiffres d’affaires et couvrir tout le territoire national. » Le plan d’investissement du groupe, pour ces cinq prochaines années, s’élève à 5,5 millions d’euros.
Numéro 1 des fabricants d’escaliers
« Notre force est de maitriser toute la chaine de production jusqu’à la pose. Concept&pose une des filiale du groupe assure l’essentiel de cette prestation. Nous nous appuyons également sur Skali, un réseau de spécialistes disséminés sur la France entière. S’il ne représente aujourd’hui que 5% des poses, il progresse fortement dans les nouvelles zones que nous démarchons. »
Riaux dispose de deux sites de production. Le plus ancien et le plus important est situé à Bazouges-la-Pérouse à une trentaine de minutes au nord de Rennes et emploie 140 personnes. Dédié à la fabrication d’escaliers bois et/ou métal, il s’étend sur 24 000 m² et cible le marché des professionnels (artisans, architectes, maitres d’œuvre, constructeurs de maisons individuelles…).
Le second, situé à Mauges-sur-Loire (49), prend en charge la fabrication d’escaliers en série pour le compte des promoteurs immobiliers. Les deux sites produisent, chaque année, 11 000 escaliers (7 000 à Bazouges-la-Pérouse), soit 54 par jour. « Nous avons 4 compagnons qui encadrent les équipes et forment les apprentis. Leurs savoir-faire nous ouvrent des portes sur des projets prestigieux comme aujourd’hui au musée Dobrée à Nantes, à l’hôtel de la Marine à Paris ou encore à la Maison de la radio. Certaines pièces prix grimper jusqu’à 150 000 euros. » Pour continuer à se développer, le dirigeant vient d’ouvrir au sein du site breton son propre centre de formation, l’Académie Riaux.
Un potentiel de 60 M€ de chiffre d’affaires
Sur un marché national qui pèse 250 millions d’euros, les cinq plus gros acteurs* absorbent 50% de l’activité. « J’estime notre part de marché à 15 %. » Malgré une baisse de 30 à 50% de l’activité en 2023 dans secteur de la construction, le Groupe Riaux enregistre une croissance de 20 %. « C’est beaucoup, trop même ! », reconnaît Luc Fernandez. L’explication tient pour partie dans la fermeture de trois de ses confrères implantés dans l’Ouest, Flin (22), Reux (22) et Davy (49). « Une autre partie résulte de notre expansion géographique. Si le site de Mauges-sur-Loire arrive à saturation, ici à Bazouges, nous n’avons aucune limite. Le potentiel est énorme et nous pouvons passer facilement de 30 escaliers/jour à 60. J’ai encore 2 hectares de réserve foncière et surtout la possibilité de passer en 2X8. Quand vous avez été habitué à tourner en 5×8, ce n’est vraiment pas un obstacle. Globalement, cette usine est capable de passer à 45 voire 50 millions d’euros de chiffres d’affaires. Si vous ajoutez le site de Mauges, on arrive à 60 millions d’euros. » Pour suivre le rythme, Luc Fernandez a déjà investi 1,6 million d’euros en 2023 dont la moitié dans un aspirateur XXL, « une tour de 22 mètres de haut qui absorbe la poussière de bois et surtout répond aux nouvelles normes en vigueur. Cette année, nous poursuivons nos investissements au même niveau. »
Si en 2024, le carnet de commande est complet avec une croissance attendue de 5%, Luc Fernandez anticipe un recul de l’activité en 2025 sur le site de Mauges dédié à la construction neuve. « Aujourd’hui le neuf et la rénovation s’équilibrent. Je suis donc en train de recruter des forces commerciales pour me renforcer dans la rénovation. J’ai aussi en tête que, face à la raréfaction du foncier, les constructions en hauteur vont être privilégiées. Qui dit maison à étage, dit escalier. Je cherche également à recruter aus ein Concept et pose
Cette stratégie de développement va de pair avec une vaste démarche RSE. Le dirigeant travaille à un gros projet de trackers solaires. « J’espère qu’il verra le jour d’ici deux à trois ans. Le but est d’autoproduire 40 % de nos besoins énergétiques qu’entre 2022 et 2023, notre facture est passée de 400 K€ à 1,4 M€, soit + 300 % en deux ans. Chaque décision a un impact, c’est pourquoi nous nous nous sommes dotés d’un outil qui nous permet chaque année de calculer notre empreinte carbone. La féminisation du groupe est aussi un élément essentiel dans notre démarche. Sept femmes ont été recrutées à la production depuis mon arrivée et d’autres au Comité de direction. Toutes nos actions donnent lieu à la rédaction d’un rapport RSE », conclut Luc Fernandez, adhérent à la French Fab et membre du club des dirigeants du pays de Fougères, piloté par la CCI Ille-et-Vilaine.
*Groupe Riaux (35), Plasse (01), Escao (10), Magnin (42) et SBM (42)