Beaucoup ont dû passer devant, à pied ou à vélo, en s’imaginant redonner vie à ce hameau abandonné. Puis, laissant passer cette pensée, ont continué d’avaler les kilomètres de terre battue qui recouvre la voie verte jusqu’au petit port du Fret. Les Berteloot, eux, ont posé pied à terre pour déambuler à travers ces maisons traditionnelles laissées en sommeil : treize penty au total construits au XVIIe siècle autour d’un chêne tout autant séculaire et d’un puit placé au centre du hameau.
« Ce fut un coup de cœur immédiat, pour les vieilles pierres d’abord, puis l’harmonie du lieu, son histoire et celle que nous pourrions y construire et vivre », s’accordent Vincent et Hélène Berteloot, les nouveaux propriétaires de Kernaou. Originaires du Nord, ces deux aventuriers de la vie avaient l’habitude de venir jusqu’à ce bout du monde, visiter des amis et surfer en mer d’Iroise. Et chaque fois, ils ne manquaient pas de passer devant Kernaou, jetant leur dévolu sur ce village typique de la presqu’île de Crozon. Vincent s’était renseigné sur la mise en vente de l’ensemble immobilier, « mais pour un jeune couple à l’époque avec trois jeunes enfants, il s’agissait d’un projet totalement irraisonnable au vu de l’ampleur des travaux et du coût », raconte l’intéressé. Et puis, quinze ans plus tard, les planètes se sont alignées.
Transformer le hameau en haut lieu du slow tourisme
En 2021, la famille Berteloot acquièrent Kernaou pour 500 000 euros. « Nous avons vendu notre maison dans le Nord, en partie auto-construite, pour financer l’achat de Kernaou », souligne Vincent.
Dans le hameau, un seul des penty est alors habitable, avec un sens très élargi de la définition ! En 2022, la famille s’y installe et entame illico les travaux. Objectif : transformer le hameau en écogites, selon les règles d’une rénovation de qualité, utilisant des matériaux biosourcés et surtout respectueux du patrimoine et du bâti. Ainsi, les dalles sont refaites en intégrant du liège et de la pouzzolane, les murs sont enduits d’un mélange chaux-chanvre, les ouvertures respectées, les cheminées sauvegardées. En quelques semaines, le premier gîte a été retapé. Famille et amis ont participé au chantier ; quelques voisines et voisins aussi, heureux de revoir la vie animer ce hameau abandonné.
Le rythme est donné. Pour être viable, le hameau doit -dans son entièreté- être finalisé pour 2026, à raison d’une ouverture de gîte par année. « On ne lâche rien« , répète inlassablement Vincent qui passe ses journées et quelques soirées sur le chantier. Hélène, qui a dû reprendre sa fonction de sage-femme à l’hôpital, prête main forte entre chaque mission professionnelle. Robin, Gaspard et Lou, les trois ados de la famille, donnent un coup de main dès que leur temps scolaire se libère. « C’est un projet qui nous portent tous », sourit Hélène qui vit aussi pour ces moments de communion familiale et de convivialité partagée avec les amis de la presqu’île.
Le 2e gite ouvrira cet été
Cet été, un second gîte sera préparé pour accueillir des vacanciers. « Les réservations s’enchainent déjà, ce qui est très encourageant pour la suite. » La suite, c’est aussi l’aménagement d’une aire pour six camping cars, l’ouverture d’un ancien camping adjacent au hameau et l’équipement d’un espace de loisirs et d’activités de plein air animé par Vincent, éducateur sportif de son état quand il ne bricole pas ! « Au final, Kernaou proposera une capacité d’hébergements multiples et des activités centrées sur le slow tourisme. La voie verte qui borde le hameau deviendra un axe de développement pour accueillir des cyclotouristes, et proposer des vélos électriques à la location pour favoriser le déplacement doux de nos locataires », imagine Vincent.
L’activité économique repose sur l’ouverture des gîtes à l’année et la mise à disposition d’une salle commune de réunion, pouvant accueillir des séminaires de groupes ou d’entreprises. « Nous avons créé la SAS Kernaou pour gérer l’ensemble de ces activités. J’ai ensuite rencontré Eric Stephan de la CCIMBO, qui a facilité quelques mises en relation vers des personnes ressources », salue le néo entrepreneur, Vincent Berteloot.
Créer de la valeur durable
Côté budget, les capacités sont renforcées au fur et à mesure des maisons rénovées : l’ouverture échelonnée des gîtes contribuant au financement du reste du projet. « Nous avons déjà engagé 450 000 euros dans la reconquête de ce patrimoine », précise Vincent. En deux ans de travaux, le hameau a déjà considérablement changé et renait de son passé.
Mais la hausse des matières premières et l’inflation grèvent le budget et pèsent sur le prévisionnel. La tempête Ciaran a également apporté son lot de complications. Pour y parer, les entrepreneurs ont récemment mené une campagne de financement participatif. « L’objectif a été atteint, et la visibilité de notre projet significativement augmentée », se réjouissent Hélène et Vincent, toujours touchés par les passants qui les saluent et pour certains les remercient de leur engagement. « Notre richesse, c’est de créer de la valeur durable. »
