Catherine Cloup, chirurgien pédiatrique de 1976 à 2008 au centre hospitalier de Saint-Brieuc

Entre ses parenthèses africaines et afghanes, Catherine Cloup a réalisé l’essentiel de son activité à l’hôpital de Saint-Brieuc. N’hésitant pas à bousculer les règles, ses expériences l’ont nourrie tant professionnellement que personnellement, au bénéfice de tous.

Un étonnant mélange de douceur et de force se dégage de cette Brestoise. Une force qu’elle affirme avoir acquise auprès des femmes africaines, lors de ses premières expériences à l’étranger. Un parcours classique, de son point de vue : « j’appartiens à une famille de médecins depuis plusieurs générations et mon père m’a fait entrer dans les salles d’opération dès l’âge de 15 ans. De ce fait, devenir médecin était pour moi un choix facile ».

A la fin de son internat, elle part pour l’Afrique à l’âge de 24 ans. « J’y ai suivi mon mari, également chirurgien, lors de son service militaire de coopération au Congo Brazzaville. Un petit poste de brousse que nous avons fait tourner pendant 1 an et demi. » La magie du continent opère : dès les études terminées, c’est le retour sur le continent africain. Avec des équipements toujours aussi sommaires, mais Catherine Cloup n’est pas du genre à se plaindre. Avec elle, les choses semblent toujours simples : on fait avec ce qu’on a ! C’est ça la chirurgie de dernier recours. « On réalise que même avec peu de moyens, on peut être très efficace. De toutes façons, il n’y a personne d’autre si vous n’y allez pas. » Pendant 8 ans, elle multiplie les actes auprès des enfants mais, en 1976, le contexte politique contraint le couple à rentrer en France, à grand regret. « A notre retour, c’est finalement l’hôpital de Saint-Brieuc qui nous a convenu, car il m’a accueillie sans réticence sur le fait que je sois une femme ». Pour autant, si certains établissements lui ont dédaigneusement fermé leur porte, Catherine Cloup ne considère pas que sa condition de femme ait été un obstacle particulier. « C’était moins difficile qu’on peut le croire car c’est un métier que l’on exerce avec sa compétence, même si certains collègues craignaient que nous soyons de petits êtres fragiles… ». Fragile, Catherine Cloup ? Difficile à imaginer. Grande, le ton assuré et le regard direct, elle a pris le temps d’élever 6 enfants, à une époque où le congé de maternité n’existait pas et malgré une profession très prenante.

Les leçons africaines

A son arrivée à Saint-Brieuc, il n’existe pas encore d’unité de chirurgie pédiatrique, hormis quelques lits d’enfants, et la majorité des familles se tournent vers l’hôpital de Rennes. Alors Catherine Cloup met en application tout le fruit de son expérience, avec des notions novatrices pour l’époque. « J’avais ramené d’Afrique l’idée que l’on ne sépare pas les enfants des parents. Grâce à une surveillante très ouverte à ce type d’idées, j’ai pu faire en sorte que les parents puissent rester toute la journée avec leur enfant et dormir avec eux si nécessaire. C’était très précieux pour les enfants bien sûr, pour les parents attirés par ces nouvelles relations avec l’équipe soignante, et moteur de qualité pour le personnel ». Une nouvelle alliance thérapeutique, une anesthésiste particulièrement compétente et déterminée, des parents mieux intégrés… Il n’en fallait pas moins pour voir s’élargir le nombre de patients, moins enclins à s’orienter vers la capitale bretonne. « Au début des années 1980, lorsque de nouveaux bâtiments ont été construits, nous avons alors pu bénéficier d’une aile complète dédiée à la chirurgie pédiatrique ». Mais pour Catherine Cloup, son expérience africaine va plus loin. « Les femmes africaines m’ont apporté leur sagesse devant la maladie grave et leur acceptation devant la mort. En Europe, les gens n’ont pas idée que leur enfant peut mourir. Cela paraît irréel car c’est trop rare. Il faut pourtant réaliser comme c’est merveilleux que nous en perdions si peu, quand il en meurt tant dans le monde ».

Saint-Brieuc/Kaboul : la dernière chance

2005 : « Il ne faudrait pas me payer cher pour aller à Kaboul », commente la chirurgienne à la retraite depuis 2 ans, devant un reportage télévisé. Quelques semaines plus tard, une ancienne collègue l’appelle : membre de l’association Chaîne de l’Espoir*, elle la convie à l’accompagner pour une mission à l’hôpital des enfants de Kaboul ! Depuis, elle s’y rend chaque année. « Il s’agit de former des médecins rompus à la chirurgie de guerre, à une chirurgie pédiatrique moderne. Auparavant, il y avait 90% de mortalité pour les enfants de moins de 1 an ; aujourd’hui, nous sommes probablement en dessous de 7% ». Professionnellement, elle considère cette expérience comme une chance unique. L’hôpital concentre un large catalogue de pathologies, pour des malades qui ne peuvent être traités ailleurs. « Nous savons que nous sommes leur dernière chance. Les familles font des efforts considérables et dépensent souvent une fortune. Certains vendent leur maison pour soigner un enfant qui finit par mourir… Ce sont des choses qu’on n’imagine pas ! » Un voile sur la tête, par respect pour les familles, elle y exerce avec une empathie sans bornes et tire profit de la solidarité féminine. « Contrairement à mes collègues masculins, je peux échanger avec les femmes et voir leur visage lors de nos échanges. C’est important, car si nous avons un interprète, la communication passe également par le regard. Et puis, je peux prendre les mères dans mes bras quand elles ont du chagrin ou qu’elles perdent un enfant ». Certes, les moments difficiles ne manquent pas, mais Catherine Cloup a la satisfaction de savoir qu’elle ne déroge pas à la tradition médicale et rend honneur au serment d’Hippocrate. Sans compter ce moteur qui la conduit depuis si longtemps : « L’enfant à cette qualité délicieuse pour celui qui le soigne : il a confiance et est totalement décidé à guérir ».

Véronique Rolland

N° 204 décembre 2010-janvier 2011

*Association Chaîne de l’Espoir, 96 rue Didot, 75014 Paris. Tel : 01 44 12 66 66. Site : www.chainedelespoir.org

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