Comment va se répartir le budget de la Région en 2025, avec 60 milliards d’euros d’économie annoncés par le gouvernement ?
Au moment où je vous parle (mi-novembre), la Région Bretagne aura 56,5 millions d’euros de baisse à assumer pour participer à l’effort demandé par le gouvernement. Certes, on ne peut pas vivre éternellement à crédit, mais si la contribution des Régions se révèle plus forte que leur part dans la dette publique, c’est injuste et ce sont des chocs pour les compétences qui sont les nôtres. 56 millions d’euros, c’est comme si la Région arrêtait les lycées pendant un an ou les trains pendant un trimestre. Ce sont donc des sommes considérables. En attendant de connaitre le niveau d’effort exact qui nous sera demandé, nous avons commencé à travailler sur un premier scénario. Il consiste d’abord à étaler nos investissements, dans les lycées, dans les ports, globalement, dans toutes les différentes infrastructures dont nous sommes responsables. Nous avons aussi un plan d’économie dans le budget de fonctionnement qui est en cours. L’effort se répartira de façon à peu près équivalente entre l‘investissement et le fonctionnement. Par conséquence, nous allons rester concentrés sur les sujets dont nous avons les compétences directes à savoir la formation, l’innovation, l’accompagnement de l’économie et le développement des infrastructures dont nous sommes propriétaires.
Quelles sont les grandes masses qui composent le budget ?
Notre budget s’élève à près de 2 milliards d’euros et se répartit entre les investissements, environ 600 millions d’euros par an, les mobilités, plus de 400 millions d’euros, la formation professionnelle, plus de 300 millions d’euros et les lycées plus de 300 millions d’euros. Ces trois métiers représentent à eux seuls plus de la moitié du budget de la collectivité régionale. Ensuite, nous avons le développement économique qui, si on ajoute l’innovation, l’enseignement supérieur et l’agriculture, dépasse les 200 millions d’euros. En cas de baisse de notre budget, les seuls leviers à notre disposition sont donc le report de l’investissement et des coupes budgétaires dans des politiques publiques sur lesquelles les décisions n’ont pas encore été prises.
Comment allez-vous financer les mobilités ?
C’est un vrai sujet. Le président de la République avait annoncé un service express métropolitain régional, qualifié de choc d’offre par Elisabeth Borne, alors Premier ministre. Nous avons donc acheté 9 trains qui coûtent près de 100 millions d’euros. La question aujourd’hui est de savoir comment le gouvernement envisage le financement des mobilités puisque nous n’avons pas l’impôt. Le ministre des transports nous a annoncé une conférence des financements des mobilités. Est-ce que ce sera pour 2025 ou 2026 ? Je ne le sais pas. Pour ma part, je ne souhaite pas qu’il y ait d’écotaxe en Bretagne. Je préfèrerai, à titre personnel, le versement mobilité. Afin de remplacer l’écotaxe, nous devons ouvrir le débat sur la taxe de séjour. A Paris, Valérie Pécresse l’a fixée à 5 euros. Nous, nous avons parlé de 2 euros pour financer les mobilités partout en Bretagne avec des dégressivités selon les types d’équipements. Par ailleurs, les mineurs ne paieraient pas. J’ai parlé de 2 euros pour lancer le débat, car si nous ne mobilisons pas rapidement une autre recette, nous allons prendre un retard sur les Régions qui comme le Grand Est, l’Aquitaine ou la Bourgogne-Franche-Comté, vont mettre en place l’écotaxe. Ce sujet est crucial pour l’avenir de la Bretagne.
Les aides aux entreprises seront-elles maintenues au même niveau qu’en 2024 ? Quelles seront les filières prioritaires ?
Les filières d’avenir pour la Bretagne, à savoir les secteurs qui ont vocation à créer de nombreux emplois sont l’alimentation, qui va de l’agriculture et la pêche jusqu’à la transformation et l’agroalimentaire. Ensuite, nous avons la Défense qui englobe les chantiers navals, les grandes entreprises de défense, mais aussi le millier de PME qui travaille dans cette filière. La cybersécurité et l’énergie restent aussi deux piliers sur lesquels nous voulons continuer à investir. Les autres secteurs en émergence sont la santé et le spatial et nous avons couvert une grande part des filières stratégiques pour les trois années à venir. J’ajouterai le sujet de la proximité avec notre dispositif Pass commerce pour continuer à accompagner les PME, les artisans et les commerçants. Pour le reste, on va voir ce que va faire l’Etat. Est-ce qu’il va maintenir les aides et les guichets qu’il avait ? Est-ce que les aides de l’Etat aux CCI vont se maintenir ? Le contrat de plan Etat-Région va-t-il être payé par l’Etat ou gelé ? Dans le second cas, nous serons, nous aussi, obligés de le décaler dans le temps, avec le risque d’abîmer notre appareil productif. Par ailleurs, il faut absolument que l’Union européenne organise la riposte pour ne pas exposer nos entreprises à une concurrence déloyale.
Il a beaucoup été question de réindustrialisation en 2024, alors même que le foncier économique et les questions environnementales bloquent certains projets. Ne serait-il pas nécessaire de changer les règles du Zan*, du moins pour l’industrie ?
Depuis 10 ans, je le répète, la production est au cœur de mon combat politique. Il faut traiter les sujets de transition écologique mais on doit produire pour répondre à nos besoins. Cela fait partie de notre souveraineté. Sans compter que nos emplois sont à la base de la cohésion sociale et de notre autonomie. Malgré quelques voyants rouges qui s’allument ici et là, la Bretagne reste une terre industrielle. Nous allons avoir l’unité Safran qui va s’installer à Rennes. Nous avons Brets (56) qui construit un nouvel atelier. Nous avons différentes activités chez Bolloré qui vont se développer. Pour continuer à accueillir ces projets et d’autres encore, mais aussi les logements, tout en préservant l’agriculture, la souveraineté alimentaire et la biodiversité, il nous faut se préoccuper de la surface. Nous avons travaillé à la répartition d’hectares pour réduire par deux, dans les dix prochaines années, le rythme de l’artificialisation des sols en Bretagne. La loi Zan est passée mais elle n’a pas encore été mise en œuvre. Les Plans locaux d’urbanisme intercommunaux (PLUi) et les schémas de cohérence territoriale (SCoT) n’ont pas encore été « zanifiés » ! Par conséquent, aucun projet d’implantation n’a pu encore être empêché par le Zan. Ceux qui disent le contraire, mentent. Les entrepreneurs doivent donc regarder les choses positivement, car si nous parvenons à réduire notre consommation d’espace, nous serons encore plus performants. Avec Laurence Fortin, Vice-présidente du Conseil régional, en charge de l’économie, nous avons également dit que nous voulions garder une enveloppe pour l’industrie, de l’ordre de 400 à 600 ha. Ce qui est considérable. Je ne suis pas pour continuer comme avant : 2 000 ha par an pour la Bretagne, c’est trop ! Si les parlementaires veulent faire évoluer la loi, nous serons présents pour y travailler mais je n’appelle pas à dire « lâchons la pression ». Cette dernière a commencé dans les têtes mais pas sur le terrain.
Etes-vous favorable à la création de fonds régionaux ?
Nous avons déjà déployé des outils et des fonds régionaux (Breizh’up, Breizh Rebond, SemBreizh) les dix dernières années, dans lesquels nous avons mis 70 millions d’euros pour accompagner les entreprises et l’aménagement du territoire. Nous avons deux solutions pour l’avenir : soit l’Etat nous dit « on fait un nouveau fonds et on appelle l’épargne ». Pourquoi pas ? Soit on commence par répartir France 2030 entre les Régions. Pourquoi France 2030 est dirigé depuis Paris ? Je pense que le Medef comme les CCI seraient favorables à ce qu’on décide en Bretagne, plutôt qu’à Paris, de l’usage de l’argent public, notre impôt à tous. Les entreprises n’en peuvent plus d’avoir un guichet Etat et un guichet Région, avec en plus des fonds européens dans chaque. Simplifions et donnons aux Régions la capacité réelle de travailler sur l’économie et sur l’agriculture. Que l’Etat se concentre sur des sujets sur lesquels on l’attend : la sécurité, la santé, la justice ou encore la Défense nationale.
Quelle rencontre vous a le plus marqué au cours de cette année 2024 ?
Si je ne dois citer qu’un seul nom, c’est celui de Morgane Suquart, la cavalière en argent des Jeux Olympiques. Femme, ingénieure, elle est la conceptrice du trimaran semi-submersible qui a servi de support à l’incroyable animal mécanique. C’est aussi elle qui a piloté ce cheval devant des milliards de gens. Elle est formidable ! Sa société, MMProcess est basée à Quiberon.
*Zan : Zéro artificialisation nette