
C’est jour de récolte. Sous le soleil ardent du Finistère sud, Cécile Brunet, propriétaire de plusieurs parcelles à Moëlan-sur-Mer, orchestre une nouvelle matinée de cueillette de feuilles de thé que les 5000 pieds productifs de Camellia sinensis qu’elle a plantés il y a quelques années commencent à donner. C’est un travail minutieux, exclusivement fait à la main, puisqu’il s’agit de pincer les plus jeunes feuilles qui infuseront plus tard ce nectar mondialement prisé.
Reconnecter l’homme à la plante
Installée depuis 2019 dans ses «jardins agricoles», Cécile Brunet a, comme Michel Thévot, producteur à Sibril dans le Finistère nord, rejoint la Maison Théerie qui transforme son or vert en thé de qualité. Fondée en 2024 par Morgan Ravallec et Noémie Le Teuff, cette entreprise a pour ambition de renforcer la filière de thés bretons d’exception. Et ses débuts sont très prometteurs.
« Nous avons planté 11 000 théiers entre Moëlan-sur-Mer et Sibiril, et récolteront cette année, pour notre première année de production, 180 kg de feuilles fraîches qui seront toutes transformées à Lorient, dans l’atelier que nous avons aménagé à dessein. Moins de deux heures après leur récolte, les feuilles sont travaillées pour leur flétrissage, séchage et déshydratation. Chaque récolte, selon sa saisonnalité (printemps, été, fin d’été) influencera la saveur et la couleur du thé », explique Morgan Ravallec, tombée en passion avec cette production alors qu’elle cherchait à s’approvisionner en thés d’excellence pour le concept store/salon de thé qu’elle a ouvert en 2023 au centre-ville de Lorient. « En recherchant du thé local, j’ai découvert et racheté la marque et les actifs de Maison Emile Auté afin d’y insuffler un nouvel élan. » Cet élan porte ses premiers fruits, avec une gamme de thés d’ici, d’ores et déjà servis dans le salon de thé dédié et à la table de plusieurs restaurants étoilés.
Reconnecter le consommateur avec le végétal
Déguster un thé de la Maison Théerie relève d’un cérémonial orchestré et millimétré. Présentées dans leur état le plus naturel, les feuilles de thé sont recouvertes d’une eau chauffée à la température recommandée et laissées imprégnées le temps également recommandé. Ici pas de théière traditionnelle en fonte, mais des pièces uniques en céramique, modelées expressément pour la cérémonie de cette boisson.
Thé blanc, thé vert ou thé noir, chaque recette nait du savoir-faire et de la transformation opérée par le sommelier de la Maison, Benjamin Sieuw. « Le défi que nous nous sommes lancés lors de la refonte de cette gamme fut de n’avoir recours à aucun arôme. On parle ici de mélange naturel. Chaque thé, chaque ingrédient s’exprime par lui-même. De la qualité des matières premières, la finesse du sourcing, le dosage et l’association des saveurs naît l’harmonie en bouche », détaille l’expert passionné par les terroirs et les traditions japonaises autour du thé. De cette alchimie émane de nouvelles sensations à l’absorption de ce thé breton, comme une reconnexion avec le végétal.
Reconnecter le territoire à son histoire
Vendu à 1600 euros le kilo, le thé breton se classe parmi les thés d’exception. Le terroir et le climat bretons semblent se prêter de mieux en mieux à la culture du Camellia sinensis, cet arbre à thé venu d’Asie. A terme, Morgan Ravallec escompte élargir le cercle des producteurs locaux partenaires pour augmenter sa capacité de production (3000 boites cette année). En 2026, Maison Théerie vise sortir 260 kg de thé et inscrire cette filière naissante parmi les nouvelles références bretonnes.