
« Nous avons vécu trois grandes révolutions, rappelle en préambule Serge Rambault Président du cluster Bretagne Supply Chain ainsi que du directoire de Leroy Logistique (250 M€ de chiffre d’affaires, 1 000 collaborateurs). La loi ZAN (zéro artificialisation nette) en 2021, la loi Climat et Résilience (2022) qui oblige l’installation de panneaux solaires photovoltaïques sur les nouveaux entrepôts et bâtiments commerciaux ayant 1 000 m² ou plus d’emprise au sol. Au sein de mon groupe, 30% des 625 000 m² d’entrepôt du groupe doivent être ainsi couverts de panneaux. Enfin, les délais d’instruction du permis de construction d’un bâtiment qui en France ne cesse de s’allonger. Entre l’achat du terrain et l’exploitation de l’entrepôt, il se passe 4 ans. Autant vous dire que nos concurrents étrangers sont beaucoup plus compétitifs »
Bouleversement en vue dans la chaîne logistique
A ces difficultés s’ajoute une crise structurelle avec de multiples ruptures : la digitalisation du commerce -à l’heure actuelle 9 français sur 10 se font livrer des achats en ligne- des consommateurs de plus en plus « impatients » qui attendent un service 24h/24, la transition énergétique (fin des véhicules diesel en 2035), le rapport au travail qui entraîne un besoin de rapprocher lieu de vie et lieu de travail (accessibilité des entrepôts en périurbain) … « Sans oublier l’intelligence artificielle qui va bousculer l’organisation des entrepôts, leur conception, la livraison, poursuit le président de Bretagne Supply Chain. Ces ruptures entrainent un profond changement dans l’optimisation de la chaine logistique. Pour accéder au foncier, nous allons devoir stocker un maximum de palettes au même endroit et donc construire en hauteur à proximité des bassins de consommation et robotiser. Alors, je pose la question : comment assurer le développement économique et donc l’emploi, qui plus est sur un territoire attractif , face à une réglementation de plus en plus contraignante ? »
Des « hôtels hybrides » aux usages mixtes
Certains promoteurs ont déjà imaginé de nouveaux programmes, susceptibles de répondre à ces contraintes. A l’image de Faubourg Promotion, aménageur et promoteur du groupe Idec qui propose sur deux anciennes friches, route de Lorient et au sud de Rennes, deux projets au concept innovant : des « hôtels hybrides », sortes de village industriel. « Nous allons déconstruire, dépolluer et rebâtir, explique Chazli Baalbaki, directeur général adjoint d’Idec Factory. Le premier projet (photo ci contre), s’étendra sur un peu moins de 10 000 m² (foncier 14000 m²) et proposera une mixité d’usages avec des espaces professionnels dédiés à la messagerie urbaine et aux activités artisanales et productives, des PME-PMI, ainsi que des espaces ouverts au public comme un socle actif hébergeant les services et les commerces de proximité. » Le second projet accueillera quant à lui de la distribution, de l’activité productive et du commerce de gros sur un foncier de 14 475 m². « L’enjeu principal de ces hôtels hybrides est de favoriser la rencontre entre deux publics rarement en contact au sein d’un bâtiment : les professionnels de l’industrie et de la distribution d’une part et les habitants de la ville d’autre part. Nous avons une dizaine de projets similaires en cours de développement en France. »
Moins d’entrepôts et densification des implantations existantes
De son côté, l’Audiar et Rennes Métropole envisagent trois scénarios pour faire face aux besoins de la logistique. Ils rappellent qu’en 10 ans, entre 2013 et 2023, la part des entrepôts dans le foncier économique sur le territoire bretillien n’a cessé de croître. « En 2022, on recensait 300 entrepôts sur le département dont une cinquantaine d’une surface supérieure à 10 000 m² représentant la moitié de l’entreposage du territoire. Ils occupent 45% du foncier. Les entrepôts de taille intermédiaire, environ 150, ne représentent que 20% du foncier. Ils sont cependant plus proches de la métropole et leur insertion dans le tissue urbain est beaucoup plus aisée », rapporte Basile Martineau, chargé d’études à l’Audiar. Autre constat : si la logistique représente 7% de l’emploi sur Rennes Métropole, la spécialisation du secteur entraîne de plus en plus de difficultés de recrutement.
Le scénario « Coopération » privilégié
En croisant les besoins en logistique (entreprises et population), l’offre existante et les évolutions réglementaires (lois Zan, Climat et résilience.), l’agence de développement a dessiné trois scénarios : « blocage foncier », « coopération » « coopération et intervention ». Le scénario intermédiaire dit « coopération » table sur une coopération à l’échelle régionale entre les collectivités pour tout projet d’envergure à savoir supérieur à 10 000 m² : « Leur nombre diminuera tout en rendant possible l’extension des entrepôts existants. Les autres projets verront leur nombre se stabiliser. » Moins de création d’entrepôts signifie que Rennes Métropole mise sur la poursuite de la densification et l’optimisation des implantations existantes. « Une grande majorité des nouveaux projets (60%) se fera en renouvellement urbain avec une recherche de proximité directe avec le client final. »
Rennes