
A contre-courant de la zone Euro, la France n’a pas bénéficié au 1er trimestre 2025 de l’augmentation massive du commerce mondial, conséquence de l’anticipation par les américains d’un relèvement des droits de douanes aux USA . « Les importations américaines ont fortement augmenté au premier trimestre 2025 avant de s’effondrer au second trimestre suite au taux de douane de 18% appliqué début avril. Un taux inédit depuis la seconde guerre mondiale. Alors que l’Allemagne, l’Espagne ou encore l’Italie en ont profité et que la tendance, en Europe, est à l’amélioration, la France est entrée dans une période de recul », explique Tristan Picard, Directeur adjoint de l’INSEE Bretagne.
Les exportations françaises ont continué a reculé par rapport au 4e trimestre 2024 , « en raison aussi de l’aéronautique ». Autre déception : les dépenses publiques et la consommation des ménages ne sont pas au rendez-vous.
Absence de moteur pour la croissance
« On est plutôt sur de l’attentisme, sans réel moteur pour la croissance. » En 2025, l’Insee table sur une croissance de 0,6%. Par ailleurs, le marché du travail continuerait de se retourner, notamment du fait du recul de l’apprentissage : « On devrait perdre 90 000 emplois dans les deux ans à venir et en un an ont déjà perdu 60 000 alternants. » Conséquence : le taux de chômage serait à la hausse à 7,7 % fin 2025 contre 7 ,1% fin 2024.
Enfin, si le pouvoir d’achat a augmenté en 2024, l’explication tient dans la « hausse des prestations sociales, la revalorisation des retraites en particulier, et non pas dans les revenus générés par une activité », conclut Tristan Picard qui relève également que le taux d’épargne atteint des sommets à 18,5% début 2025 contre 14% avant Covid . « Cette augmentation est principalement portée par les plus de 65 ans. »
-0,4 points de croissance à l’horizon 2024
L’analyse de la banque de France est sur la même tonalité : « la hausse des droits de douane et l’incertitude sur les négociations commerciales coûteraient 0.4 point de croissance à horizon 2027 », indique Claudine Hurman, Directrice régionale de la Banque de France. L’institution a revu à la baisse ses projections de croissance en 2025 , à 0,6% (contre 1,1% en 2024) , à l’identique de l’Insee. Toutefois, elle devrait se raffermir à l’horizon 2027 à 1,2 % à la faveur d’un renforcement de la consommation, de l’investissement privé et des exportations. « On table sur une croissance faible voir très faible du fait de l’impact des droits de douanes. La hausse des salaires, globalement au-dessus du niveau de l’inflation, devrait se réduire à l’horizon 2027. On peut également s’attendre à l’accroissement des exportations chinoises vers l’Europe. »
Dans ce contexte la progression de l’activité en Bretagne se révèle plus favorable en mai 2025 dans l’industrie et les services marchands qu’au niveau national. « Cette évolution s’explique notamment par une période favorable à l’industrie agroalimentaire et à l’hôtellerie-restauration dont le poids est conséquent sur la région », pointe Florent Saint-Cast, responsable des affaires économiques régionales à la Banque de France. En juin, l’amélioration s’est poursuivi dans l’industrie , les carnets de commande s’améliorent ainsi que les stocks. »
A contrario, les services marchands sont à la peine avec une faible évolutions de prix, des effectifs qui se stabilisent voire diminuent, et un niveau de trésorerie qui reste dégradé. « C’est particulièrement vrai dans l’information et la communication ». Enfin, en matière de défaillances d’entreprise , un écart favorable se creuse entre la France et la Bretagne. « Les demandes en matière de médiation du crédit se stabilisent. »
En Bretagne, activité ralentie et investissements en suspens
Chiffre d’affaires, rentabilité, investissement : ces trois indicateurs analysés par la CCI Bretagne dans son enquête semestrielle réalisée courant juin sont au plus bas . « 45,8 % des entreprises signalent une baisse de chiffre d’affaires, contre seulement 21,5 % une hausse », détaille Jean-Pierre Rivery, Président de la CCI Bretagne. Si le secteur de la construction montre des signes d’amélioration, l’industrie et le commerce évoluent dans un contexte toujours tendu.
L’investissement est l’un des marqueurs les plus inquiétants : « près de 4 entreprises sur 10 ont réduit leurs investissements début 2025, un niveau qui rejoint celui observé au plus fort de la crise sanitaire, en 2020. » Dans un climat d’incertitude grandissant, 37,4 % des chefs d’entreprise prévoient de nouveau une baisse de leurs investissements dans les mois à venir. « Le manque de visibilité pèse lourdement sur la prise de décision.
Tout en soulignant une certaine stabilité de l’emploi, en particulier dans la construction qui semble retrouver des couleurs, la CCI Bretagne relève des signes de faiblesse dans l’industrie. « On est passé d’un solde d’opinion de -3,9 à -12 points en six mois. » Autre symptôme des difficultés rencontrées par les entreprises bretonnes au cours de ce premier trimestre 2025 : « Les délais redeviennent préoccupation majeure. Plus d’une entreprise sur deux (54 %) a constaté des retards de paiement ou des demandes de délais supplémentaires de la part de ses clients, dont près de 34 % avec une fréquence plus élevée . » 40 % des entreprises concernées constatent un impact fort sur leur trésorerie, et un quart d’entre elles sont contraintes de solliciter à leur tour des délais de paiement auprès de leurs fournisseurs.
« Ce cercle vicieux, lié à une tension généralisée sur la trésorerie, fragilise l’ensemble du tissu économique régional et accentue les difficultés d’entreprises déjà éprouvées par un environnement instable. », conclut Jean-Pierre Rivery.