Par la voie de leurs représentants au sein de l’Abea, les industriels de l’agroalimentaire breton alertent à nouveau sur la gravité de la situation. Les négociations issues de la Loi Egalim 2, la guerre en Ukraine et l’accélération de l’inflation sur l’énergie, et sur un certain nombre de matières premières agricoles et d’intrants industriels (emballages en verre, …) entraînent une situation inédite. Celle-ci implique une réorganisation majeure et un partenariat fort avec l’administration estime l’Abea dans une tribune que nous publions ici.
« A l’issue des négociations commerciales 2022, nous entendons des discours de satisfaction, faisant état de la « réussite » de la loi EGALIM 2, qui aboutirait à une inflation des prix des produits alimentaires de l’ordre de 3% en moyenne. Mais ne nous y trompons pas, si chacun peut se féliciter des ambitions initiales de la loi visant à accroître les revenus des producteurs agricoles, le résultat des négociations commerciales apparaît comme un trompe-l’oeil, qui masque la réalité subie par les entreprises agroalimentaires dans ces négociations.
Le besoin de revalorisation tarifaire, dans un contexte inflationniste, était à +7% en moyenne pour les entreprises de transformation agroalimentaire. +3% environ concernant le besoin de revalorisation lié à la hausse des matières premières agricoles. + 4% environ concernant les hausses des autres intrants : à fin 2021, on observait pour le transport = +74% ; pour l’énergie = + 38% ; pour le plastique = + 24% ; pour le carton = +21% ; pour l’aluminium = +26%, etc. Dans ce contexte, le refus des distributeurs de prendre en compte des demandes de revalorisation tarifaire raisonnées et raisonnables est inacceptable et dangereux.
« Si ces négociations commerciales ne réenclenchent pas une logique de création de valeur pour chaque maillon, le sujet de la désolidarisation de la filière agri-agro et de la survie de nombre de nos entreprises agroalimentaires bretonnes se posera », interpellait Annie Saulnier , DG de Geldélis, début février.
Rogner à nouveau sur les marges des transformateurs, après 8 années de déflation, ne fait qu’affaiblir notre filière agri-agro bretonne. Cette destruction de valeur asphyxie de très nombreuses entreprises, notamment les PME, et les immobilise dans leur développement. Autant d’éléments limitant les capacités d’investissement, enjeu pourtant capital pour conserver une industrie d’excellence et pérenne, garants de la souveraineté alimentaire de la France.
Sur la forme : des conditions de négociation avec la grande distribution inadmissibles
– Des contreparties demandées qui impliquent un déséquilibre significatif : dans de nombreux cas, les plans d’affaires ont été revus à la baisse.
– Des menaces de sanctions de la part de plusieurs enseignes, notamment des menaces de déréférencements, la plupart du temps malgré des situations de relations commerciales de long terme.
– Un manque de bonne foi et d’équilibre dans la fixation des clauses de révision automatiques, avec des distributeurs qui cherchent à imposer leurs clauses ou des taux de variations avec des indices très élevés.
– Des enseignes qui continuent à envoyer des pénalités sans apporter la preuve du manquement, ni la justification du préjudice, malgré les dispositions de la loi EGALIM 2 sur ce point.
C’est un échec collectif qui se réitère d’année en année. Jusqu’à quand allons-nous pouvoir encaisser ? Jusqu’à quelle extrémité les commerciaux des entreprises vont-ils devoir continuer à subir les méthodes et pressions de la grande distribution ?
L’administration doit être un partenaire pour les entreprises agroalimentaires
Plutôt que de se retrouver face à une administration qui tient systématiquement une posture de contrôle et de sanction, nous demandons à retrouver un lien de confiance et une logique d’accompagnement. Nous souhaitons que l’administration prenne davantage en compte nos besoins, accompagne en proximité les évolutions, encourage nos propositions d’expérimentations, et soutienne notre filière.
Des mesures d’urgence indispensables pour soutenir dès maintenant les entreprises
➔ Nous demandons la mise en place de mesures d’urgence immédiates pour soutenir les entreprises agroalimentaires sur le volet énergie. La mise en place d’un bouclier énergétique pour les entreprises, comme c’est le cas pour les ménages, pourrait être une solution.
➔ Nous demandons que tous les projets d’investissements dans les énergies renouvelables, bloqués par postures individuelles éloignées du bien commun, soient réouverts
➔ Nous demandons que chaque maillon de la chaîne alimentaire soit mis devant ses responsabilités et les prennent, afin de permettre la révision automatique des tarifs en cours d’année, dans une logique de solidarité et de durabilité de notre filière alimentaire.
➔ Nous demandons que ce « droit à l’erreur » permettent de soustraire au contrôle couteux des commissaires aux comptes sur cette 1° année d’Egalim 2.
➔ Nous demandons l’autorisation d’expérimenter la Reuse dans nos usines de transformation de viande et de lait bretonnes, à l’instar de ce qui se fait chez nos voisins européens. Plus largement, nous sollicitons un droit à l’expérimentation sur les sujets économiques, humains et environnementaux.