Il y a encore un an, Maël-Pestivien, située dans les terres à une cinquantaine de kilomètres du littoral briochin, ne comptait plus aucun commerce. Cette situation durait depuis 2019, année de fermeture du dernier bar de la commune. « On se retrouvait sans rien, à l’exception d’un restaurant ouvert uniquement le midi. Il y avait urgence à se mobiliser pour conserver les habitants et éviter la fermeture de notre école », relate IsabelleTertrais, 1ère adjointe. Elle exerce aux côtés de Joseph Bernard, maire de la commune depuis 22 ans.
2 mariages et 4 naissances en 2024
Avec une population vieillissante où la part des personnes de plus de 60 ans représente 40% de la population (7 points de plus que la moyenne du département) et celle des moins de 15 ans, seulement 11,7% (versus 16,8% sur le département), la commune se distingue par la présence d’une vingtaine de familles anglaises : « leurs membres sont parfaitement intégrés. Certains d’entre eux ont même été élus aux dernières élections municipales. Ils ont fait beaucoup pour la commune. Hélas, le Brexit les a obligés à démissionner. C’est un gâchis », regrette l’élue. Plus inattendue, la pandémie de Covid à contribuer à attirer de nouveaux habitants. « En trois ans, nous sommes passés de 354 à 375 âmes. Les demandes de location ou d’achat de maisons ont explosées et aujourd’hui, il est très difficile de trouver un bien disponible ». Cerise sur le gâteau : en 2024, Maël-Pestivien attend quatre naissances et célèbrera 2 mariages : « du jamais vu depuis des années ! »
Un projet conforté par une étude de faisabilité
Le projet a vu le jour en amont des élections municipales de 2020. « Nous avons adressé un questionnaire à tous les habitants pour connaître leurs besoins. Dans leur grande majorité, ils nous ont évoqué leur souhait de retrouver un lieu de vie et de rencontre en centre bourg. » Après l’acquisition de l’ancien bar et de ses annexes, l’équipe municipale a élaboré une esquisse du projet en y incluant un logement. « Celui-ci nous semblait essentiel pour attirer des candidats. Nous avons sollicité les services de l’Adac (Agence départementale d’aide aux collectivités) pour nous aider et déposer des demandes de subventions. Nous avons aussi fait appel à la CCI Côtes d’Armor pour réaliser une étude faisabilité. Les résultats nous ont conforté dans notre choix, en particulier ceux relatifs à notre aire d’attraction. Elle montrait que les communes situées à 10 minutes ou moins en voiture ne disposait pas non plus de commerces. » L’étude* soulignait également l’importance de la présence de la Poste sur les flux, avec une ouverture de 10 h à 12 h, 6j/7, tout comme celle de l’école publique de 35 à 40 élèves en RPI avec 2 communes voisine.
Plus de 840 000 € investis mais un loyer très modeste
La viabilité économique du projet étant acté, la mairie a déposé le permis de construire en juin 2021 et obtenu 300 000 euros de subventions auprès de l’Agglomération, du département et de l’Etat sur une enveloppe globale de 841 000 euros. « Notre faible endettement nous a permis d’emprunter 400 000 euros sur 20 ans, au taux de 0,96 %, afin de ne pas bloquer les autres travaux d’investissements. » Autre choix de la commune. « Pour attirer des candidats et pérenniser le projet, nous avons fixé un loyer très modeste, à 100 euros par mois. »
Le commerce, baptisé le Bara Mel, a officiellement été inauguré en avril 2023. Les candidatures de Cécile Ménage et Léna Landreau, validées par la mairie, en collaboration avec le service de développement économique de l’Agglomération et la chambre de commerce et d’industrie, ont été retenues pour la gérance. « Elles sortaient du lot, même si leur souhait de départ de se prélever deux salaires nous semblaient audacieux. Cependant, leur personnalité et leur motivation ont fait la différence. Nous savions aussi que ce choix conditionnait en grande partie la réussite du projet. Aujourd’hui, on peut dire que nous ne nous sommes pas trompés. Elles sont au-dessus de leurs objectifs et ont déjà embauché un salarié. Surtout, elles ont réussi à faire de ce commerce, un lieu de rencontre où les habitants aiment à se retrouver, même les plus réfractaires d’entre eux au démarrage du projet. Notre réussite fait pas mal parler dans les alentours et en bien ! », s’enthousiasme Emmanuelle Le corre, la secrétaire générale.
Le lien social, « meilleur service rendu »
Le commerce, composé d’une partie alimentation et d’un bar, est conçu pour apporter de multiples services à la population. « Dans sa conception et dans le choix des produits, nous avons souhaité créer une épicerie pour tous » , souligne Cécile Ménage. Issus de circuits courts, les produits bio ou locaux occupent une place importante (40% des produits). Les produits frais, les fruits et légumes, les boissons, le pain, les viennoiseries ou encore la viande sont également disponibles à l’achat. « Il y en a pour tous les budgets ! Nous avons fait le choix de réduire notre marge sur les produits bio et locaux et inversement de l’augmenter sur les autres articles. Avec une différence de prix réduite, les premiers partent bien. On crée ainsi des habitudes tout en faisant travailler les locaux. C’est un cercle vertueux. » Retrait d’argent, achats de gaz et de journaux sont également possibles et même l’utilisation d’une machine à laver le linge ! « Mais le plus gros service rendu, c’est le lien social. Chez nous, les gens font connaissance et se dépannent. Le 8 juin prochain, nous allons organiser la nouvelle fête du village avec le spectacle des enfants, un concert et un méchoui, le tout sur la place du village ! », termine Cécile Ménage. L’invitation est lancée. Avis aux amateurs.
