« Les médias proches de leur audience bénéficient d’une confiance de plus en plus forte »

Entretien avec Aurélie Rousseau, Directrice générale de TVR et Coprésidente du syndicat national des TV locales qui regroupe 45 chaînes locales.

Pouvez-vous nous présenter TVR, la chaîne locale que vous dirigez ?

La chaîne est née en 1987 sous la forme d’une société d’économie mixte. Nos actionnaires sont la Ville de Rennes, Rennes Métropole, Ouest France, la CCI Ille-et-Vilaine, le Conseil départemental, le Télégramme, le Crédit Mutuel de Bretagne et le Parc Expo de Rennes. L’équipe est constituée de 25 permanents dont 11 journalistes, avec autant de femmes que d’hommes. C’est important. On travaille aussi régulièrement avec une vingtaine de professionnels supplémentaires, intermittents du spectacle ou journalistes pigistes, ce qui représente donc au global 30 équivalents temps plein. Après France 3, nous sommes le plus gros employeur dans l’audiovisuel en Bretagne.

Nos programmes sont diffusés sur le département de l’Ille-et-Vilaine. Chaque jour, nous produisons une heure de programmes inédits dont 30 minutes de JT et 30 minutes de magazine. Au-delà de l’actualité et de la culture, la ligne éditoriale de TVR en tant que miroir du territoire se manifeste également par un important programme de coproductions d’œuvres audiovisuelles avec d’autres acteurs locaux, médias ou institutions culturelles : documentaires, fictions, spectacles vivants, concerts. Le budget annuel de la chaîne s’élève à 3,5 millions d’euros, financés à 60% par les collectivités (Ville de Rennes, Rennes Métropole, Conseil Départemental, Agglomération de Saint Malo, Région…) et le reste, via des recettes commerciales (spots publicitaires, retransmissions d’événements du territoire, création de contenu avec des marques locales ou régionales). C’est un des plus gros budgets en France pour une télévision locale, et depuis 2015, nous sommes à l’équilibre.

Depuis deux ans, vous êtes aussi co-présidente du syndicat Locales.tv. Quels sont ses missions ?

Tout d’abord, le syndicat regroupe 45 TV locales. Aujourd’hui, le secteur se structure autour d’acteurs de tailles diverses que l’on peut catégoriser en 3 groupes. Il y a désormais 10 chaînes BFM en régions. Une série de chaînes sont liées à des groupes de Presse Quotidienne Régionale. A titre d’exemples, citons wéo du groupe Rossel La Voix, ViàOccitanie du groupe La Dépêche, TV7 du groupe Sud-Ouest, Tébéo et TébéSud du groupe Le Telegramme. Enfin quelques chaînes indépendantes ou des sociétés d’économie mixtes sont également actives comme TVR ou Canal 32 (dans l’Aube).

Toutes les chaines de TV locales ont des contrats d’objectifs et de moyens avec les collectivités de leur territoire. C’est pourquoi nous remplissons une mission d’intérêt général en traitant l’information au quotidien, dans un souci de respect des pluralismes, et en la rendant disponible gratuitement. Nous avons aussi un rôle d’éducations aux médias. Notre force est la capacité à avoir une vraie expertise du territoire et une confiance du public. Nous sommes les seules chaînes qui montrent les invisibles, avec des positionnements éditoriaux sur la valorisation des initiatives des territoires, la mise en avant des forces vives, avec une logique d’engagement.

 

Que défendez-vous ?

On demande à bénéficier d’une reconnaissance à un niveau national. Elle existe de la part des collectivités locales, mais il n’y a pas de dispositif national pour les télévisions et radios locales, comme ceux réservés à la presse. Contrairement à nos principaux concurrents que sont aujourd’hui les acteurs du web, les chaînes de télévision subissent une très forte régulation. On revendique la création d’un statut, une forme de labellisation de l’audiovisuel local pour accéder à des aides si on veut pouvoir être encore là demain. Sans cette reconnaissance, tout va aller vers les géants du web avec le risque de créer en France des déserts médiatiques.

Au sein du syndicat, on défend également une meilleure accessibilité à nos chaînes en remontant dans la numérotation de la TNT (aujourd’hui entre 31 et 35) ainsi qu’un meilleur référencement sur les box opérateurs. Face aux GAFA, nous devons nous organiser et peser dans le débat. C’est pourquoi le syndicat se renforce avec le recrutement d’un nouveau délégué général.

 

Comment voyez-vous l’avenir des TV locales ?

La proximité et le local suscitent un regain d’intérêt et les médias proches de leur audience bénéficient d’une confiance de plus en plus forte*. Le public s’intéresse davantage à ce qui se passe près de chez lui. On reste des repères face à la profusion de l’information, d’autant qu’il y a une défiance qui s’est malheureusement développée envers les médias, notamment les médias nationaux, et que des chaînes d’infos comme CNews ou BFM cultivent. Trouver un modèle économique pérenne restera difficile. Une TV locale, sans le soutien des collectivités, ne tiendra pas. Nous faisons partie du bien public.

Je pense également qu’il y aura de plus en plus de collaborations entre médias. C’est un passage obligé à l’ère du numérique et de la convergence. Déjà on ne se considère plus juste comme une télé, mais comme un créateur de contenu local adapté à nos différents canaux de diffusion : Box, TNT, plateforme YouTube, réseaux sociaux, etc. Pour répondre à l’évolution des usages, les médias ont tout intérêt à s’allier, tout en gardant leur indépendance éditoriale, afin d’optimiser leurs coûts et gagner en visibilité. Par chance, en Bretagne, on a déjà cette capacité à travailler ensemble.

 

*Etude Ifop 2021 : 80% des français ont confiance dans leur médias locaux, contre 70% dans les médias nationaux, 24% dans les pure players et 19% dans les réseaux sociaux.


Le parcours d’Aurélie Rousseau

Je suis originaire de Vitré, j’ai grandi en Mayenne et dans le Finistère. Après mes études en Histoire et Communication à l’IUP Info-com à Rennes 2, j’ai démarré ma carrière au groupe M6 en tant qu’Assistante de production puis dans différentes sociétés de production audiovisuelles sur des programmes de divertissement comme la « Star Academy » sur TF1. En 2008, je reviens en Bretagne. Persuadée qu’il sera compliqué de retrouver un poste dans l’audiovisuel, je reprends des études de marketing à l’IGR et décroche un DESS. Je suis alors recrutée en tant que Chargée de mission par l’Opéra de Rennes pour « Don Giovanni sur écrans », premier opéra retransmis sur la place de la Mairie de Rennes, associant plusieurs partenaires audiovisuels et technologiques.

C’est à cette occasion que je fais la rencontre de Dominique Hannedouche, Directeur de TVR. Il me propose de rejoindre son équipe pour développer avec les autres chaînes de télévisions locales et régionales bretonnes (Tébéo, Tébésud, France 3 Bretagne et Brezhoweb) la première unité de programmes collaboratifs en France, avec le soutien de la Région Bretagne. J’ai ensuite occupé le poste de Directrice d’antenne, puis, suite à la disparition de Dominique Hannedouche, j’ai été nommée Directrice générale de la chaîne en 2015. J’ai alors 35 ans. Et depuis, je m’implique et m’engage au sein de plusieurs instances dans mon secteur ou en dehors, en tant que Coprésidente de notre syndicat, comme évoqué, Présidente du Festival de l’info locale à Nantes, Vice-Présidente du Conseil Culturel de la Région Bretagne, ou membre du Centre des Jeunes Dirigeants de Rennes. En décembre 2023, je suis aussi sollicitée pour rejoindre le Conseil d’administration de la chaîne nationale Public Sénat.

 

 

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