Bretagne Eco. : A l’échelle de la Bretagne, diriez-vous que les entreprises sont (assez) engagées dans la transition écologique pour atteindre la neutralité carbone en 2050 ?
« La route d’une transformation significative des entreprises est encore longue. Il existe cependant une réelle prise de conscience et nombre d’entreprises ont choisi de s’adapter au contexte énergétique et climatique ainsi qu’à ses évolutions, afin de devenir plus résilientes et performantes. Des entreprises ont réussi à mettre en place des plans de sobriété qu’elles continuent d’appliquer. Ces actions sont autant d’effets cliquet vers une transformation plus profonde.
Pour atteindre l’objectif de neutralité carbone, il va falloir accentuer ces engagements. La première étape reste le Bilan carbone que beaucoup d’entreprises bretonnes n’ont pas encore réalisé. »
Quelles sont les étapes vers une décarbonation satisfaisante ?
Pour aider les entreprises dans leur stratégie de décarbonation, l’Ademe a lancé la méthode ACT, pour Assessing Low Carbon Transition, qui comprend des étapes très précises, allant d’un plan de sobriété à des investissements structurants pour atteindre la neutralité carbone. Cette méthode répond aux directives européennes dans le cadre de la Directive CSRD *.
(…) Nous initions le déploiement de ce programme en entrainant des opérateurs qui ont la capacité de mobiliser, au moins, une dizaine d’entreprises ou des grands comptes. La Banque de France a testé la méthode et l’encourage à travers son indice Climat. Le réseau Produit en Bretagne l’a également adopté pour accompagner ses adhérents, ainsi que la technopole Innozh dans les Côtes d’Armor.
Dans un contexte économique qui se tend, comment embarquer les entreprises dans la transition ?
La décarbonation n’est pas une option. Pour pérenniser leurs activités, les entreprises doivent s’y engager, et le plus tôt sera le mieux : elles gagneront ainsi en avantage concurrentiel, en mobilisation interne, en attractivité (…)
Notre premier levier est de sensibiliser, d’expliquer, d’apporter des éléments de compréhension au plus grand nombre et dans tous les secteurs d’activité. (…) Le rôle de l’ADEME est d’apporter une analyse systémique et de montrer que ce sont les écosystèmes, dans leur ensemble, qui évoluent. Il s’agit d’accélérer ces transformations vertueuses pour l’environnement et la société.
Pour ce faire, et être au plus proche du terrain, nous renouvelons notre partenariat avec la CCI Bretagne. Notre objectif est de rendre accessible et d’informer le plus grand nombre d’entreprises, en touchant notamment les TPE et PME. Les CCI ont une connaissance du tissu économique et une présence territoriale qui facilitent le contact avec ces entreprises. C’est ce que Philippe Martineau, vice-président de la CCI Bretagne, appelle « le conseil du dernier kilomètre ». Notre partenariat se concrétise par un budget alloué au réseau consulaire pour former leurs conseillers à notre ingénierie, aussi bien en termes de connaissances prospectives, méthodologiques que d’accès aux aides financières ADEME. (…)
Quels sont les principaux leviers de décarbonation de l’économie en Bretagne ?
Nous utilisons beaucoup le mot « décarbonation », qui vise à réduire les émissions de gaz à effet de serre par de l’efficacité énergétique et des substitutions de produits fossiles par des matières et des énergies renouvelables. Je préfère lui donner un sens encore plus large pour englober des actions de sobriété, d’économie des ressources, d’éco-conception, de recyclage vers plus d’économie circulaire. (…)
En Bretagne, la feuille de route sur l’économie circulaire devrait davantage guider les entreprises. Les filières du recyclage se structurent favorablement vers une industrialisation et une massification ; toutefois les taux de recyclage doivent absolument augmenter au niveau national. Nous proposons des aides à l’innovation et à la R&D, notamment sur les plastiques, afin d’améliorer leur recyclabilité. Le nombre de projets qui nous arrivent, bien qu’en nette augmentation, sont encore trop peu nombreux selon nous : il faut que les industriels et metteurs en marché incorporent de plus en plus de matières recyclées dans leurs produits. Nous sommes conscients que des freins existent, mais nous pouvons les lever ensemble, au travers de nos accompagnements sur les études.
La création de réseaux de chaleur renouvelable représente également un levier important de décarbonation, trop peu valorisé dans l’industrie. Nous menons une étude de potentiel pour identifier les différents gisements de chaleur fatale (chaleur issue de process industriel qui est perdue ou chaleur issue des unités de valorisation énergétique des déchets) à l’échelle de la Bretagne. Cette cartographie sera suivie d’un plan prospectif afin accompagner un maximum de projets en faveur de ces circuits de récupération de chaleur.
Par ailleurs, l’économie bretonne reste très dépendante du transport routier pour exister et se développer. L’ADEME soutient les actions innovantes qui visent l’optimisation des flux logistiques, comme l’association Bretagne Supply Chain qui propose des solutions efficientes sur les territoires et aux entreprises du transports et de la logistique.
Je pense que les solutions de décarbonation passeront aussi par des logiques d’écosystèmes. La coopération entre entreprises d’un même territoire, ou d’une même chaîne de valeur est un axe de travail intéressant et très efficace. C’est certainement, un axe stratégique que l’Agence devra plus investiguer avec ses partenaires à l’avenir. La contrainte budgétaire que nous subissons va nous pousser à innover dans ce sens.
En termes de capacité budgétaire justement, le gouvernement annonce vouloir baisser le budget alloué à la transition écologique. Quelles seraient les conséquences sur votre fonctionnement ?
Après une stabilisation de notre budget régional à 80 millions d’euros depuis 2022, ce dernier pourrait enregistrer une baisse – non encore estimée précisément – à l’issue du projet de loi de finances débattu à l’Assemblée nationale… Nous argumentons fortement en faveur d’un amoindrissement de ces conséquences, sachant que le sujet de la décarbonation demande à être davantage soutenu et encouragé au cours des prochaines années.
* Applicable depuis le 1er janvier 2024, la directive européenne Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD) fixe de nouvelles normes et obligations de reporting extra-financier.
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L’Ademe en Bretagne en chiffres clés : effectif, implantations, budget, dotations entreprises
. 1200 employés au plan national, dont une trentaine en Bretagne
. Bureau régional basé à Rennes avec trois pôles techniques : économie circulaire, transition énergétique et un pôle transversal appelé Mobilisation des acteurs
. Budget de 80 millions d’euros en 2023, dont 66% fléchés pour les entreprises.