Christophe Lubert a démarré son parcours professionnel chez Alstom avec un DUT génie électrique et informatique industrielle en poche. « Peu à peu, j’ai ouvert les yeux sur les problèmes liés à l’environnement » raconte le co-dirigeant avec Yannick Lehagre des sociétés LB Eco Habitat et Kannwood domiciliées à Bédée près de Rennes.
2009 , une première rupture technologique
La conférence de Rio, en 1992, sur l’environnement et le développement durable provoque un déclic et lui fait changer de voie. Il passe un diplôme universitaire en écologie végétale à Limoges. « A l’époque, les débouchés étaient quasi inexistants. Je suis devenu formateur en agriculture biologique au sein d’une structure agricole à Saint-Brieuc. Une période très riche. » Dans les années 2000, la venue d’un premier enfant le pousse à se rapprocher de Rennes. Il rencontre Gerard le Nain, expert en matériaux biosourcés, qui milite pour le développement du chanvre dans la maçonnerie. Il va lui mettre le pied à l’étrier et l’intégrer dans sa société de construction en chanvre. En 2009, les deux hommes mettent au point une nouvelle technique de construction, « une véritable rupture technologique » selon Christophe Lubert. « On a introduit la voie humide pour mélanger le chanvre et la chaux et ainsi mieux contrôler la matière lors de sa projection mécanisée aux murs. Une machine spéciale a été mise au point. »
Administrateur de l’association « Construire en chanvre »
Mais, la crise des subprimes surgit et entraine avec elle la chute des mises en chantier. En 2011, les deux associés créent une nouvelle structure, « Atelier de construction écologique, innovation et service ». Ils livrent leurs conseils et diagnostics en matériaux aux futurs propriétaires de bâtis anciens. L’aventure s’arrête en 2014 avec le départ de Gérard Le Nain. LB Eco Habitat voit le jour dans la foulée. « J’ai démarré seul mon activité, tournée à l’époque vers la restauration du patrimoine ancien. » Gérard Brévent dirigeant de la société Joubrel (35) pour qui la TPE travaillait entre au capital et progressivement, Christophe Lubert développe son expertise dans l’utilisation du chaux chanvre dans la rénovation de l’ancien mais aussi dans la construction neuve. « En 2016, j’ai intégré, en tant qu’administrateur, l’association Construire en chanvre où se côtoient de nombreux scientifiques, architectes et professionnels du bâtiment. » La mission de cette association consiste notamment à promouvoir le chanvre dans la construction. « C’est le seul matériau qui a la faculté de réguler l’air ambiant car il a de très bonnes propriétés hygrothermiques et permet une bonne évacuation de l’humidité sous forme de vapeur. La sensation de confort est immédiate. Cette connaissance, je l’ai acquise sur 15 ans. »
Le bâti ancien mais aussi le neuf
Aujourd’hui, LB Eco Habitat emploie une dizaine de collaborateurs et son chiffre d’affaires avoisine les 900 K€. « L’activité se répartit à part égale entre le neuf et la rénovation. On fait de l’isolation thermique par l’extérieur en chaux-chanvre et plus récemment en terre-chanvre, un matériau encore plus décarboné puisque la terre n’a pas besoin de passer au four, contrairement au calcaire pour obtenir la poudre de chaux. Le chanvre et la chaux sont produits en France. Notre plan de charge est rempli pour les 6 mois à venir. On espère franchir le seuil des 1 million d’euros de chiffre d’affaires en 2025. » Parmi les chantiers livrés en 2024, l’éco -domaine de la Fontaine à Pornic (44) est sans doute le plus important.
Juin 2024, publication des Règles professionnelles sur la construction en chanvre
Avant, en 2016, il y a eu la construction d’un bâtiment de 1 000 m2 sur trois étages pour l’entreprise Olga (Noyal-sur-Vilaine) tout en en béton de chanvre préfabriqué. « Sur ce chantier, nous avons innové et fait pour la première fois des panneaux en bétons de chanvre en atelier. C’est une formidable vitrine. » Emblématique du savoir-faire acquis par LB Eco Habitat, ce chantier donne naissance, en 2022, à la création d’une seconde société, Kannwood. Son objectif : industrialiser le process de la construction en atelier de façades ossature bois isolé en béton de chanvre. « Le développement de la filière passe par l’harmonisation des règles professionnelles et l’augmentation du domaine d’emploi du béton de chanvre. La publication tant attendue en juin 2024 des « Règles professionnelles d’exécution de parois verticales (murs, cloisons et doublages) en bétons de chanvre », après huit années d’attente et de travail acharné, détaille les méthodes d’exécution, les matériaux à utiliser et les critères de performance à respecter. Elle marque une évolution radicale dans les pratiques constructives de la filière chanvre. Le domaine d’emploi donne aujourd’hui la possibilité aux professionnels de construire des ouvrages jusqu’à 33m de haut et de travailler sur des établissements recevant du public pouvant accueillir plus de 1500 personnes. »
Soutenue par l’Ademe et Bretagne Compétitivité
Pilotée par Yannick lehagre, Kannwood a décroché, début 2024, une subvention de 600 k€ de l’Ademe pour développer ce nouveau mode construction. Pour constituer leur dossier et répondre à l’appel à projet, « Construction et Rénovation hors-site », les deux associés se sont tournés vers Bretagne Compétitivité et la CCI Ille-et-Vilaine . L’équipe nous a aidé à bâtir notre stratégie et constituer notre dossier. Sans elle, nous n’aurions pas répondu à cet appel à projets. C’est trop complexe. Il faut être un spécialiste de la construction de projet. » Et parce qu’une bonne nouvelle n’arrive jamais seule, en mars 2024, les groupes bretons de construction Pigeon et Legendre sont entrées au capital de Kannwood à hauteur de 25 % afin d’accélérer le déploiement de sa solution industrielle et répondre aux enjeux de la RE2020 et de la massification de la rénovation.
Comment bâtir sa stratégie industrielle avec Bretagne Compétitivité ?