Yannick Balavoine, 3e génération à la tête des établissements Balavoine (Lamballe-22), n’avait jamais rencontré de telles difficultés d'approvisionnements auprès de son principal fournisseur européen. L’envolée des prix de l’énergie et les risques de coupure de courant incitent ses clients industriels à s’équiper de puissants groupes électrogènes afin de s’effacer du réseau et faire baisser le montant de leur facture. Résultat : la PME spécialisée dans l’électricité marine et industrielle, qui réalise deux tiers de son chiffre d’affaires via la vente et la maintenance de groupes électrogènes , voit son activité s’emballer. Son chiffre d’affaires devrait croitre de 25 % en 2022. Il était de 2 millions d’euros en 2021.
Parfois, la nature fait bien les choses. Pour les établissements Balavoine, c’est la tempête du siècle, celle de 1987 qui marque le véritable tournant. A l’époque, la société dirigée par Jean-Claude Balavoine, père de l’actuel dirigeant répare des moteurs destinés au monde de l’agroalimentaire et la pêche. La TPE démarre, en parallèle, une activité de vente et maintenance de groupes électrogènes avec SDMO (Brest), rachetée depuis par Kohler. « En quelques heures, le réseau EDF s’est retrouvé complètement dépassé, raconte le dirigeant. L’importance des groupes électrogènes, en particulier dans l’agroalimentaire et les élevages agricoles, est devenu essentiel. L’entreprise publique a proposé aux industriels et éleveurs utilisant un groupe électrogène 22 jours par an des tarifs préférentiels très compétitifs. » La réaction ne s’est pas faite attendre : beaucoup d’entre eux, comme les coopératives Le Gouessant, la Cooperl ou encore la Coop Paysanne, se sont équipées. « EDF préservait ainsi son réseau en cas de grosse sollicitation et les industriels sécurisaient leur activité. » Mais en 2015, EDF a mis fin à ce tarif EJP (effacement Jour de Pointe). « 90% des éleveurs ont gardé leur groupe électrogène. Nombreux sont les gros industriels qui s’en sont séparés et les ont vendus à l’étranger. L’heure était à l’énergie verte. »
Investissement dans un atelier d’usinage
En reprenant les rênes de l’entreprise familiale en 1998, Yannick Balavoine se retrouve à la tête d’une équipe de trois salariés. La TPE vit principalement de son activité historique en électro-mécanique marine, bobinage, moteurs et pompes. Il la développe rapidement et recrute : « Les plus gros armateurs possédaient des génératrices et des groupes électrogène de bord. La demande était forte. » Une nouvelle activité voit le jour en 2017 avec la création d’un atelier d’usinage . « L’objectif était d’être le plus autonome possible pour répondre aux urgences. Nous sommes sur un marché de proximité. Nos clients attendent de nous que nous puissions intervenir rapidement en cas de panne. »
Un parc de 800 machines
Aujourd’hui, deux-tiers de l’activité des Ets Balavoine repose sur la vente, l’installation et la maintenance de groupes électrogènes, des machines de 20 à 1 000 kVA. Elle dispose d’un parc de 800 machines à entretenir et travaille depuis de longues années avec l’usine espagnole d’Atlas Copco, un puissant acteur européen préféré aux groupes chinois. « La qualité est là. En cas de panne, on a les pièces en stock, on peut intervenir rapidement. Nous sommes sur un marché très concurrentiel mais je reste persuadé que c’est un marché régional. C’est d’ailleurs notre cheval de bataille. Un groupe électrogène de 100 kVA coûte environ 20 000 euros, mais s’il est bien entretenu, il a une durée de vie de 20 à 30 ans. » Sur la douzaine de salariés qu’emploie Yannick Balavoine six peuvent assurer le SAV.
2022 : des industriels sous pression
Depuis septembre, l’envolée des prix du kilowattheure, les risques de coupures de courant et la poursuite de la guerre en Ukraine ont créé une tension extrême sur le marché. Le dirigeant a dû trouver d’autre sources d’approvisionnement, en Europe, pour satisfaire la demande. « En moyenne, chaque année on vendait entre 30 et 40 groupes électrogènes. Aujourd’hui, ce nombre a doublé. Les délais de livraison qui habituellement étaient de 5 à 7 semaines sont passés à 4/ 5 mois voire un an pour certains moteurs ( Kubota). Les industriels de l’agroalimentaire veulent sécuriser leur production mais aussi faire baisser leur facture énergétique. En fonction du prix du kWh, ils s’effacent du réseau et permutent sur le groupe électrogène. Une telle opération devient financièrement intéressante lorsque le prix du MWh dépasse 500 euros. Aujourdhui, j’ai des clients qui à l’image de ce carrossier dont la facture doit passer de 27 000 euros en 2022 à 130 000 euros 2023, veulent investir dans un groupe électrogène de 300 KVA. Certes c’est bon pour mes affaires mais je suis bien obligé de reconnaître que cela ne va pas dans le sens de la révolution verte. »
Une transition vers les ENR
Pour s’engager dans la transition écologique, son partenaire, Atlas Copco propose désormais sur ses groupes électrogènes, des parcs de batteries au lithium alimentés par des panneaux solaires.« Nous étudions un projet d’installation de ce type de machine chez un restaurateur de l’île de Cézembre. Lobjectif : diminuer sa consommation de gazoil de 65 % et par la même sa facture énérgétique et améliorer son bilan carbone. » Les énergies renouvelables, Yannick Balavoine s’y intéressent. Récemment, il a installé des panneaux solaires sur le bateau de pêche de Loïc Escoffier. Le chef d’entreprise a également adhéré en 2020 au cluster hydrogène de l’Ouest piloté par la CCI Côtes d’Armor en espérant que le monde de la pêche puisse opérer sa transitin énergétique. « Toutefois, beaucoup de questions restent en suspens, notamment celle du modèle économique de ces nouvelles technologies», conclut-il.
Face aux enjeux environnementaux et convaincue des opportunités de la filière structurée autour de l’hydrogène, la CCI Côtes d’Armor a créé un cluster hydrogène pour les entreprises.