Ils ont la trentaine et de l’énergie à revendre. Depuis le lancement en 2017, à Paris, de R&K, leur première marque de chaussure de luxe sur mesure, ils n’ont eu cesse d’affiner leur business model. Après quelques déboires avec des artisans français et italiens, ils décident, en 2021, d’ouvrir leur propre atelier de fabrication. Ce sera à Parigné, à proximité de Fougères, l’ancienne capitale française de la chaussure. Soutenue par tout l’écosystème (Communauté de communes, CCI, Région, France 2030), l’entreprise va bénéficier au global de 200 000 euros en subventions et prêts d’honneur : « L’accueil en Bretagne a été incroyable ! », souligne Maria Karunagaran, co-présidente avec son mari de la SAS Maison Felger.
Une approche disruptive
Le pari est osé car un grand nombre de savoir-faire a disparu. « Nous avons dû nous former. Pas moins de 15 métiers sont nécessaires pour concevoir et fabriquer une chaussure : styliste, patronier, piqueur, monteur, formier, semellier… Au départ, nous étions cinq et tous polyvalents. Aujourd’hui, nous sommes 17 avec des vrais artisans, des compagnons du devoir, qui pour certains n’ont pas hésité à déménager pour rejoindre l’équipe et s’installer à Fougères. Notre approche disruptive est un formidable atout pour attirer des jeunes », s’enthousiasme Cyril Karunagaran. Pour faire du sur-mesure, chaque pied est scanner et imprimer en 3D. « Nous utilisons le scanner le plus performant du marché pour prendre les dimensions des clients au micromètre. Il était utilisé jusqu’à maintenant par des athlètes ou des podologues”. Pour cette innovation maison, le binôme a déposé un brevet. Le cuir est découpé au laser. Ces outils permettent d’éviter le gâchis de cuir et offrent une chaussure parfaitement ajustée au pied. « Notre marque de fabrique c’est une très grande qualité mais aussi le confort. La première étape consiste à s’intéresser au mode de vie de nos clients. Selon qu’ils marchent beaucoup ou qu’ils sont sédentaires, nos conseils seront différents. Le formier analyse le scan du pied et optimise le patron. »
Une fabrication made in France
Les clients ont le choix parmi une dizaine de modèles (Richelieu, Chukka, sneakers, mocassin, derby, etc). « Cuir, talon, semelle, lacet, accessoire, patine etc. Ils peuvent personnaliser selon leurs envies. Nous avons même une brodeuse et une peintre pour des chaussures vraiment uniques. A l’image de ce client qui nous a demandé de reproduire sur sa chaussure le tatouage qu’il avait sur le corps. » Tout est fait à la main, semelle et talon compris, et toutes les matières sont sourcées en France ou presque, les semelles et certains cuirs provenant d’Italie. « On travaille avec des tanneries françaises comme celles d’Hermès. Les boucles viennent de chez Poursin, etc.. » En 2026, une collection femme devrait voir le jour.
Une clientèle internationale
Cette expérience de la chaussure sur-mesure, à la fois personnalisée et sophistiquée, a un prix. Chez Maison Felger, le panier moyen s’élève à 2 000 euros. « Pour certains modèles, le prix peut grimper jusqu’à 10 000 voire 15000 euros. En terme de délais, du fait de notre process innovant, nous sommes les mieux placés sur ce marché.» Les clients, des parisiens , des américains ou des Emiratis, pour une grande majorité, connaissent la boutique située rue du bac à Paris et plus récemment le corner ouvert au Printemps Haussman . Une autre partie de la clientèle est sollicitée sur ses lieux de loisirs. « On a passé des partenariats avec des clubs de polo, des tournois de golf ou des tournois équestres. Chaque client satisfait recommande souvent une seconde paire. Le bouche à oreille fonctionne très bien. » Résultat : les ventes décollent. « Cet été, nous avons passés autant de commandes que sur toute l’année 2023. On tient notre prévisionnel. » La dynamique est lancée et l’équipe sécurisée. Maison Felger propose également depuis peu une gamme luxury sport à 900 euros la paire. « Nous ne sommes plus sur du sur-mesure mais sur un processus semi -industriel avec encore de nombreuses étapes manuelles. » D’autres projets sont dans les tuyaux : pour répondre aux exigences environnementales en termes de production, la blockchain permettra de tracer les approvisionnements, la qualité du cuir, le bilan carbone et de participer à sa réduction !
Lancement d’une levée de fonds de 10 millions d’euros
Pour accélérer leur croissance et conquérir le marché du luxe avec des relais à l’international, le couple vient de lancer une levée de fonds de 10 millions d’euros. « Commercialisation, packaging, R&D, recrutements, ouvertures de points de vente, on veut aller vite. » Un premier tour à 1,5 million d’euros devrait être bouclé en novembre avec notamment une campagne sur My Option . « Nos actionnaires historiques, des chefs d’entreprise locaux pour l’essentiel, nous suivent également. » Un second tour à 8,5 millions d’euros démarrera en novembre. Maria et Cyril Karunagaran, ont aussi un projet de déménagement. « On souhaite pouvoir recevoir nos clients dans un site prestigieux avec une offre de services élargie pour une clientèle de luxe. On travaille avec quelques marques et les discussions sont bien avancées. Ce sera un siège bis, dans un château », concluent les deux fondateurs, membres du World Trade Center Bretagne.