« Nous n’avons jamais été préparées à reprendre l’entreprise familiale. Nos parents ont toujours travaillé comme des fous. En 2017, alors que l’heure de la retraite approchait, ils nous ont confié avoir un acheteur au bon prix. La chose semblait acquise», rapporte Fanny et Carole Le Luyer. A l’époque, l’ainée est responsable d’une agence bancaire, la cadette, acheteuse dans l’industrie agroalimentaire. Leur avenir semblait tout tracer. C’est Roc, le mari de Fanny, alors responsable de production dans l’industrie, qui le premier envisage la reprise de l’entreprise familiale. L’idée fait son chemin. La culture familiale et la culture d’entreprise finissent par se rencontrer. « Nos parents nous ont transmis leurs valeurs à savoir l’envie d’entreprendre et le goût du challenge. Il est peu à peu devenu évident que nous ne pouvions pas laisser partir le patrimoine familial.» En 2019, les deux sœurs prennent les rênes de l’entreprise familiale, dont le siège social est aujourd’hui basé à Plouisy, dans les Côtes d’Armor.
Le local, l’économie circulaire et l’agilité
Eco-Concept est spécialisée dans la valorisation des coproduits (également nommés écarts de production) issus de l’industrie agroalimentaire à destination de l’alimentation animale. « Un coproduit est une matière créée au cours du processus de fabrication mais qui n’est pas commercialisable en l’état. » Dans le cas présent, il est issu de différentes filières (biscuiterie, boulangerie, crêperie, laiterie, alimentation infantile, confiserie). Dans les années 90, Annie et Jean-Jacques Le Luyer observent que ces écarts de production ne sont pas valorisés alors qu’ils ont des qualités nutritives. En parallèle, les coopératives et les éleveurs sont confrontés à la variabilité des prix des céréales. Après une phase de R&D, ils se lancent sur ce marché pionnier en France avec des valeurs qui font toujours l’ADN de l’entreprise : le local, l’économie circulaire et l’agilité.
«Nos parents ont démarré par le négoce de coproduits liquides issus de l’industrie laitière qu’ils livraient directement aux fabricants d’alimentation animale ou aux éleveurs. Progressivement, ils se sont étendus à tous les autres secteurs. Avec l’avènement du snacking, les coproduits emballés se sont multipliés. Il a fallu trouver des solutions techniques pour optimiser le désemballage. Aujourd’hui, nous récupérons aussi bien des sachets individuels, que du vrac, de la palette, voire même des camions complets. A charge pour nous, chez l’industriel comme chez l’éleveur, de fournir le matériel adapté pour réceptionner les coproduits, à savoir des bacs ,des bennes, des cuves, etc. Il nous arrive même chez certains industriels partenaires de pousser les murs afin d’installer des process dédiés. Chaque nouveau projet requiert une solution idoine. », explique Fanny.
Une activité 7J/7, toute l’année
En croissance de 25% depuis l’arrivée de la seconde génération, Eco-Concept emploie aujourd’hui 8 salariés. Toutefois, l’entreprise fait appel à un grand nombre de prestataires, des transporteurs notamment ainsi qu’à des intérimaires. Son chiffre d’affaires avoisine les 8 millions d’euros. La PME collecte tous les coproduits auprès d’environ 220 industriels de l’agroalimentaire. « Nous travaillons aussi avec 80% des crêperies bretonnes. Nous avons des contrats qui nous obligent à une très grande réactivité . Les grands groupes travaillent toute l’année, 7 jours sur 7. Dès qu’ils nous appellent, nous devons être en mesure d’aller récupérer la matière pour ne pas entraver leur propre production. Nous avons donc peu de visibilité sur les flux . Il nous faut en permanence jongler entre les impératifs des industriels, mais aussi ceux des transporteurs et des éleveurs ou fabricants d’alimentation animale et ce, tout en maîtrisant la traçabilité. La législation est très stricte. » Un autre enjeu est de rester compétitif par rapport au prix des céréales, les coproduits étant des substituants. Or leurs cours sont variables en fonction de leur disponibilité et de leur intérêt nutritionnel. Le développement des méthaniseurs a, par ailleurs, accentuer la concurrence sur les coproduits. « C’est un métier qui demande d’être sur le pont non-stop. D’où l’importance de se faire confiance et de pouvoir tout partager en famille.»
5 plateformes de massification réparties sur toute la France
La PME commercialise auprès de deux circuits de distribution : les fabricants d’aliments et les éleveurs. Les références liquides, pâteuses et solides sont livrées directement dans des élevages ou des fabricants d’aliments situés à proximité immédiate des industriels agroalimentaires partenaires. « Notre rayonnement est national. Nous travaillons dans une logique de bassin de consommation dans chaque territoire afin de limiter l’empreinte carbone du transport notamment. Pour ce faire nous avons cinq plateformes de massification réparties sur toute la France pour lesquelles nous faisons appel aux transporteurs locaux. »
Fabricant de poudre de biscuit pour l’alimentation animale
Les références nécessitant une transformation sont, elles, acheminées dans l’usine de 5 500 m² de Plouisy construite en 2020. « C’était un prérequis pour reprendre l’entreprise. » Un autre site de 2 500 m² est situé en Vendée. Une fois transformés, les produits sont livrés chez des éleveurs porcins et bovins ou des fabricants d’aliments. «Nous produisons ce que l’on appelle de la poudre de biscuit dont les hautes valeurs nutritionnelles, l’appétence et la digestibilité sont plébiscitées. Nous nous appuyons sur la qualité des coproduits collectés, la connaissance des besoins de nos clients et la recherche et le développement pour mettre en marché des recettes innovantes. » C’est là aussi la force d’Eco Concept.
Un process industriel conçu sur mesure
La PME livre tout l’Ouest. « Nous travaillons avec 70% des fabricants d’alimentation animale. Ils représentent une part forte de notre activité, tout comme les éleveurs et les fabricants de petfood. » Les activités de négoce et de poudre de biscuit s’équilibrent. Le procédé industriel des deux sites de production est conçu sur-mesure avec des machines recyclés par Jean-Jacques Le Luyer, le fondateur, toujours très actif dans l’entreprise. « J’achète des vieilles machines que je découpe pour en reconstruire de nouvelles . », précise-t-il. Sous son impulsion, l’automatisation s’est généralisée. Chaque site est équipé de moyen de déshydratation, ceux-ci sont certifiés GMP+ et 1069/2009 fabricant d’alimentation animale. « Il y a sept ans, des capitaux étrangers ont mis la main sur toutes les petites structures comme la nôtre. Eco-Concept est désormais un des rares acteurs encore présents sur le marché de la valorisation des coproduits issu de l’agroalimentaire. Nous avons encore les moyens de nous développer. »
Pour preuve, un projet d’extension, sur le site de Plouisy, est dans les tuyaux ainsi qu’un projet d’économie d’énergie. Recycler, intégrer les limites planétaires et développer l’économie locale restent les priorités de Fanny et Carole Le Luyer qui reconnaissent également : « Entreprendre en famille n’est pas toujours simple, et il faut savoir préserver une relation familiale forte, malgré la relation professionnelle qui nous lie aussi. Mais de notre point de vue, c’est un atout formidable. »
Organisée chaque année par l’association des Oscars des Côtes d’Armor depuis 2013, cet événement récompense le parcours des dirigeants en distinguant cinq entreprises du département pour leur savoir-faire, leur esprit d’initiative et leur prise de risques. Membre de l’association, la CCI Côtes d’Armor partcipe au jury de sélection des entreprises.