«Quand on est une PME indépendante, si on veut le rester, il faut impérativement se démarquer pour continuer à intéresser sa clientèle. Ca passe par la Qualité* mais aussi la R&D. L’objectif étant, en ce qui nous concerne, de travailler à la recherche de solutions naturelles, originales et efficaces sur le plan économique pour nos clients, les éleveurs.» A la tête de Bio Armor Développement à Plaintel (22) depuis 2000, Marc Le Roux, 57 ans, a le ton calme et posé des hommes qui savent d’où ils viennent (il dirigeait déjà l’entreprise en 1997 avant d’en racheter le fonds de commerce avec 10 salariés associés quelques années plus tard) et où ils souhaitent aller.
«Notre budget R&D ? Laissez-moi réfléchir. Il y a 3 ans, en montant notre dossier Crédit Impôts Recherche, il a été évalué aux alentours de 65 000 euros annuels. Aujourd’hui, il se situe toujours entre 3 et 4% de notre CA.» Celui-ci s’est monté à 2,7 millions d’euros pour l’exercice clôturé fin septembre 2008 avec une progression de 25 % !
Connue pour des marques et produits tels que Bio Lisier Ambiance, Pigstart, Floractis truie ou Rumi G… Bio Armor effectue des travaux dans 3 domaines d’activités : nutrition (porcs, volailles et ruminants), hygiène et environnement des élevages. «Nous sommes avant tout orientés Elevage, précise le dirigeant. Tous nos travaux de recherche sont avant tout «dictés» par le terrain.» Terrain où se déploie la force commerciale de la PME avec 5 commerciaux Grand Ouest et une télécommerciale dédiée aux commandes mais aussi à la prospective, et un responsable export «travaillant» quelque 30 pays.
Tout vient du terrain
_ De présence sur les salons (à Bangkok comme au Space de Rennes) en visites dans l’hexagone, mais aussi auprès de ses « clients export’, l’entreprise reste donc très attentive ‘aux observations que lui remontent ses commerciaux. Prenez un problème chronique comme la diarrhée du porcelet à la naissance. C’est en croisant les remarques des vétérinaires et des éleveurs que nous avons développé pour les truies une solution à base de levure.» Une démarque que l’on pourrait qualifier de modeste – on écoute/on réfléchit/on propose – mais qui s’appuie sur un «process» qui fait la force de Bio Armor. «Tous les mois, nous faisons le point Produit lors de la réunion avec les commerciaux. Il s’agit de passer en revue ce qu’ils ont entendu et observé auprès de nos clients. De là, notre système Qualité formalise les idées de terrain avec des documents écrits. Enjeu : trier, analyser l’avenir de telle idée, jauger les opportunités que cela représente pour l’entreprise. Ensuite, le travail de formulation de réponses peut aller jusqu’à 1 an en fonction des complications. On formule, on s’interroge sur la forme (pâte? Gel? Liquide?), on fait des tests… Tout cela s’enrichissant de recherches Biblio (pige et veille sur Internet, interrogation sur les ingrédients) jusqu’aux tests-terrain.» Tests qui s’appuieront sur des protocoles précis en lien avec des éleveurs et qui pourront prendre 4 mois. « Une fois la synthèse des données collectées réalisée, nous jugerons de l’impact et de l’intérêt de la solution proposée. Avant l’entrée du marketing avec fiches techniques, argumentaire pour les commerciaux…, en cas de résultats probants». Et la boucle est bouclée.
Quand la quête du Graal passe par les enzymes !
_ Bio Armor reconnaît «ne rien sortir toute seule de son chapeau». On touche ici à l’éternel débat recherche fondamentale/recherche appliquée. La première, celle qui pourra accoucher de l’invention du siècle, étant plus risquée (elle nécessite des moyens sans horizon…) tandis que la seconde est directement opérationnelle. «Bien sûr que je rêverais de trouver la grande innovation de rupture. C’est un peu la quête du Graal pour une PME. Mais c’est difficile» soupire Marc Le Roux… avant de glisser, toujours modeste : «il y a peut-être quelque chose que nous avons été les premiers à offrir au marché : l’introduction des enzymes pour le nettoyage des élevages. Jusque là, les éleveurs n’avaient recours qu’à des produits chimiques, les mêmes que l’on utilise pour nettoyer la maison. Depuis deux ans, nous avons développé une approche «soft» avec des enzymes – sécrétées par des levures notamment – qui dégradent et fractionnent en acides aminés toute matière organique et rendent plus aisé, et naturel, le nettoyage.» Une innovation authentique qui illustre la politique de partenariats tissée entre la PME et de multiples labos, Critt, Institut de l’élevage, Cemagref, Lebham/Université de Brest… Soit 30 000 euros d’investissements annuels «entre une demande d’étude bibliographique ciblée, des essais avec du personnel mobilisé chez eux, des analyses sur des émissions d’ammoniaque ou des contrôles chimiques effectués par la SODAE**…»
Et si votre R&D vous rend appétissant ?
_ Quand on fait remarquer au dirigeant breton que la force des TPE et PME, c’est qu’elles s’illustrent dans des niches dédaignées des multinationales… mais que ces dernières peuvent vouloir, à terme, «les récupérer», la question de l’absorption de Bio Armor au nom de sa R&D est bien activée. «Vouloir être absorbée par plus gros que soi peut être une stratégie pour une PME. Ce n’est pas la mienne ! Mais nous ne pouvons pas nous disperser non plus : il nous faudrait alors être 100 fois plus. Donc, nous choisissons de prendre appui sur d’autres expertises.’
Serein, Marc Le Roux l’est indéniablement, sa R&D bien en main. Même en 2009, année de turbulences… «Toute crise fait avancer. C’est la vie ! Il faut continuer à trouver des «solutions» pour passer à travers. Quand j’ai fait un point avec l’universitaire recrutée en CDD en septembre 2008, je lui ai dit : «on continue ! La R&D a des besoins. Pas question d’arrêter de chercher ! C’est comme cela qu’on sera là quand ça repartira.»
Serge Marshall
_ N° 192 avril 2009
* Certifié GMP, Iso, Bio
** Betton-35