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Véronique Maignant, le 02.03.2020

Management et RSE : en Bretagne aussi, la vague est là

Incontestablement, la Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE) est en train de devenir un axe stratégique pour nombre d’entreprises qui souhaitent moderniser leur gouvernance et poser les bases d’un développement vertueux et responsable. Le management de demain passe par davantage de respect des singularités et d’implication liée au sens.

De g à d :  Philippe Martineau (Udife), Guillaume Le Nilliot (Breizhhacking), Aurélien Ollivry (Déclic) et Hélène Plassoux (Idjinov)
De g à d : Philippe Martineau (Udife), Guillaume Le Nilliot (Breizhhacking), Aurélien Ollivry (Déclic) et Hélène Plassoux (Idjinov)

Le monde change, celui de l’entreprise avec : « il ne va plus être possible de rester dans le tout analytique et le raisonnement par la moyenne : aujourd’hui, ça ne marche plus », confirme Hélène Plassoux, fondatrice de la société IdJinov située à Brest et coach professionnelle. L’heure est à l’engagement et la responsabilité induite des entreprises au sein de la société. De nouvelles données qui viennent bousculer les règles et les ambiances de travail, jusqu’à la gestion et le management des équipes.

 

Les jeunes bouleversent les codes

Pour beaucoup cette (r)évolution est liée à un cycle générationnel. L’arrivée des milleniums dans les entreprises bouleverse les codes et les objectifs. La jeune génération privilégie l’épanouissement professionnel, le sens du travail avant le rendement, l’impact environnemental avant le compte de résultats… « Les entreprises qui n’intègrent pas ces préoccupations dans leur fonctionnement vont rencontrer de profondes et durables difficultés de recrutement », prévient Guillaume Le Nilliot (photo), fondateur du Breizhacking, un challenge national pour sourcer les startups engagées et les entreprises bretonnes responsables. L’homme de réseaux intervient également dans plusieurs écoles de commerce, en Bretagne et en Ile-de-France. Pour lui, le mouvement de fond se renforce et s’accélère significativement. « 80% des projets d’études proposés par les étudiants sont en lien avec l’impact environnemental et social des entreprises. » On parle alors de responsabilité sociétale des entreprises.

 

Tournant sociétal

« 2020 est l’année de la RSE. Il y a eu les 20 ans du digital. On rentre dans la décennie du sociétal. Toutefois, cette nouvelle ère ne durera pas deux décennies. Le temps presse, les jeunes souhaitent travailler dans une entreprise qui ne brutalise pas la planète, qui écoute vraiment ses salariés. Ils sont à la recherche de sens », commente Aurélien Ollivry, co-associé de l’Agence Déclic. Créé il y a cinq ans à Rennes, elle aide les entreprises à intégrer la notion d’intérêt général dans leurs pratiques, via l’accompagnement à la mise en œuvre de la démarche RSE. « Nous assistons à un tournant sociétal. Confrontés au principe de réalité, les dirigeants sont pour la plupart convaincus qu’une entreprise ne peut plus aborder la gouvernance et les ressources humaines de la même façon qu’il y a 10 ans. La marque employeur a vécu. Le vernis ne suffit plus, il faut du fond ».

 

Emergence des « entreprises à missions »

Votée en avril 2019, la loi Pacte (pour plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises) renforce cette transition managériale en permettant aux dirigeants d’écrire et de s’organiser autour de la raison d’être de leur entreprise. Déclic est devenue, il y a peu, une « entreprise à missions », labellisée B Corp. Elle fait partie des 100 premières sociétés privées en France à avoir décroché ce label international. « C’est un processus long et exigeant. Nous avons mis du temps à faire évoluer nos pratiques. A chaque question, il y a des paliers. A chaque palier, il faut être meilleur ».  En effet, n’est pas B Corp qui veut ! Point positif, le questionnaire d’évaluation est disponible gratuitement sur Internet. D’autres labels existent : Lucie 26 000, Afnor ou encore Ecovadis.

 

Définir sa raison d’être

« Notre raison d’être est de contribuer à rendre nos territoires plus performants et durables, poursuit Aurélien Ollivry (photo). Par performants, nous entendons utiles pour les usagers/clients et efficients. Par durables, nous entendons qui tiennent compte des enjeux sociaux, environnementaux, économiques et de gouvernance, dans une logique d’intérêt général. Nos outils sont la stratégie responsable (RSE / DD), la gestion de projet collaborative et l’expertise achat public. Nous nous sommes fait accompagner par un cabinet d’avocats pour inscrire notre raison d’être dans nos statuts ». Fin 2019, le Groupe de cosmétique Yves Rocher (La Gacilly -56) a lui aussi adopté le statut « d’entreprise à missions » : « Notre but n’est pas d’être la meilleure entreprise du monde, mais la meilleure entreprise pour le monde. Il faut absolument réintégrer la nature dans notre vie », a indiqué Bris Rocher, son PDG.

 

L’intelligence collective au cœur du processus

La confiance, la transparence et l’intelligence collective sont au cœur du management responsable. Chez Déclic, la répartition du résultat est décidée entre les salariés et les actionnaires. Quel que soit le montant de son salaire, la part du résultat attribué à chacun est identique. Celle-ci peut se matérialiser en euros mais aussi en jours de congés, en chèque culture ou via le mécénat de compétence. A chacun de décider. « Le partage des richesses sous forme d’intéressement est une occasion privilégiée d’échanger avec l’ensemble des salariés », confirme Aurélien Ollivry. Travailler sur les 5 champs de façon collaborative et participative, c’est tout l’enjeu de la RSE. « Ce type de management marche, à condition qu’il y ait un cadre. C’est ce que viennent chercher, chez nous, les chefs d’entreprise. Ils ont l’impression d’être en perte de pouvoir et ne veulent pas que ce soit « open bar ». Ils veulent s’appuyer sur quelqu’un qui maîtrise l’intelligence collective.

 

Prise de conscience générale

Dans bon nombre d’entreprises bretonnes, le mouvement est déjà enclenché. Les discours ont évolué, les actes devront suivre. « Les dirigeants ne pourront pas mentir ou faire usage à outrance de greenwashing  Tout se sait et va très vite désormais », souligne Guillaume Le Nilliot. « On le constate déjà, certains grands groupes ou des banques sont délaissés par les jeunes générations. » Selon Hélène Plassoux (photo), « on a dénaturé le sens du travail en accentuant l’hyper rationalisation et les inégalités entre individus. La prise de conscience générale liée à l’évolution de l’environnement et de la société nous force à faire autrement », expose cette spécialiste des changements des systèmes humains. Pour elle, le management de demain passe par davantage de respect des singularités des personnes dans les dynamiques collectives et le développement des compétences relationnelles. « Il faut transformer le travail en œuvre collective pour qu’il donne sens et motivation à l’implication de chacun et chacune. Les managers doivent considérer les talents de leurs collaborateurs, leurs passions, leurs valeurs, leurs contraintes. » La demande croissante du télétravail par les salarié.e.s illustre, pour elle, cette tendance à rechercher un meilleur équilibre entre la vie personnelle et la vie profesionnelle. « Le contrat est en train de changer : il faut faire confiance et ne plus être dans le contrôle»

 

Et de poursuivre : « les changements de paradigmes sont liés à l’évolution du monde : il va falloir faire mieux avec moins de ressources et avec des collectifs de travail « pluriel ». Rentabilité rime désormais avec responsabilité. » En la matière, le réseau Produit en Bretagne a donné le change en incluant des exigences sociales et environnementales dans son cahier des charges. Désormais, les adhérents devront tous être RSE compatibles.  « D’ici 5 à 10 ans, ce ne sont pas les entreprises qui auront intégré la RSE qui seront l’exception, mais les autres », conclut Aurélien Ollivry.

 

 

 

 

Philippe Martineau
Trésorier à la CCI Bretagne, directeur délégué de l’Union Diffusion Information Funéraire Européen (Udife)

Parole d'élu
Sans réflexion RSE, l’entreprise n’a aucune vision d’avenir !

La RSE est un outil de performance qui répond avant tout à une quête de sens de l’entreprise et à un objectif de croissance. Elle mène à des décisions extra-normatives, qui vont dépasser le simple cadre législatif. Certains prétendent que la RSE est le nouveau gadget, mis en avant par le management, pour apporter en externe une couche de peinture verte à l’image de l’entreprise, et en interne une paix sociale retrouvée, lorsque la communication a échoué. Pas faux. C’est pourquoi, il faut se servir de la RSE pour grandir, au sens noble du terme, socialement, humainement, éthiquement, mais aussi en terme financier. Outil de management, elle nous aide aussi à nous transposer dans le temps, à durer.

En Bretagne, depuis longtemps, bon nombre d’entreprises se développent grâce au respect réciproque entre le dirigeant et ses collaborateurs.  Il est le fondement de notre bien-vivre ensemble et des performances de nos équipes mais aussi de nos valeurs. C’est un facteur essentiel pour transmettre son entreprise.  La RSE traduit la volonté des entreprises de mieux prendre en compte les personnes mais aussi la planète dans leurs activités.

La RSE, peu importe les mots qui se glissent sous ses grandes lettres, doit avant tout rester une démarche volontaire, une préoccupation globale impliquant tous les partenaires et un facteur de performance au même titre que d’autres investissements. Aujourd’hui, une entreprise qui n’a pas engagé une réflexion RSE dans son projet stratégique, n’a aucune vision d’avenir.

En tant qu’élu de la CCI de région, représentant des intérêts des entreprises ressortissantes, sensibiliser l’ensemble de l’écosystème breton aux enjeux de la RSE me paraît essentiel.


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