Véronique Maignant et Maude Duval, le 29.06.2021
Economie circulaire. Les projets fleurissent sur tout le territoire breton
Limiter l'utilisation des ressources naturelles, prolonger la durée de vie des produits et rapprocher les lieux de production de ceux de consommation : les initiatives touchant de près ou de loin à l'économie circulaire se multiplient en Bretagne.

Les entreprises en parlent
Réindustrialiser, aller vers une économie plus verte… L’économie circulaire, qui consiste à sortir du gaspillage des ressources caractérisant notre économie linéaire, est au cœur des grandes orientations du plan de relance gouvernemental. Et en Bretagne, la Région et l’Ademe jouent un rôle central dans ce domaine. La première a adopté, en juillet 2020, dans le cadre de la BreizhCop, sa feuille de route pour l'économie circulaire.
« Chaque région a la capacité de mettre en œuvre sa propre stratégie en matière d’économie circulaire sur son territoire. C’est encore plus vrai aujourd’hui avec les financements renforcés que nous avons obtenus. Sur les 30 millions d’euros affectés à la Bretagne, la moitié est destinée aux entreprises, sur des gros projets comme les réseaux de chaleur ou les centres de tri mais aussi sur l’innovation. Aujourd’hui, il y a un enjeu d’accélération et d’amplification. Il nous faut des relais sur le terrain », souligne Jean-Noël Guerre, directeur régional de l’Ademe Bretagne. Parmi ces relais, on trouve les CCI et leurs réseaux d’entreprises.
Crisalide éco-activités, un tremplin
Emergence de filières
Avec le soutien de l’Ademe, Créativ travaille aussi à la structuration de filières locales, autonomes et durables. « C’est le cas pour la gestion des déchets coquilliers. Une fois broyée, cette matière a une vraie valeur ajoutée. Ses débouchés sont nombreux, notamment dans l’agroalimentaire. Notre rôle est de créer toute une chaîne de valeurs autour de ces déchets et fédérer tous les petits projets déjà existants. Nous menons le même travail sur le repowering des éoliennes et le remanufacturing où Eole Constructing, N2C, Sadex, ou encore Envie 35 sont de vrais pionniers. » L’association, également soutenue par la Région, Rennes Métropole et des acteurs privés, a ainsi accompagné près de 900 projets depuis le lancement du concours Crisalide Eco-activités. La prochaine cérémonie de remise de prix aura lieu le 7 juillet 2021.
En Bretagne l’Ademe porte une autre réflexion sur des solutions de captage, de stockage et de valorisation du CO2. « Demain, on ne considèrera plus simplement le CO2 comme un déchet, mais aussi comme une matière première qu'on cherchera à valoriser dans le cadre d'une économie circulaire », poursuit Jean-Noël Guerre. Cette filière est encore balbutiante. L’idée est de capter le CO2 à la sortie des chaufferies bois ou des sites industriels pour le vendre, par exemple aux maraîchers bretons, notamment les serristes. Ces derniers achètent du CO2 pour améliorer la croissance des plantes comme les productions de tomates.
Les synergies interentreprises se renforcent
« L’économie circulaire, qu’on appelle autrement l’économie de la ressource intègre toutes les phases de la vie d’un produit ou d’un service. Cela commence par l’approvisionnement, indique Loïc Evain, référent Développement durable à la CCI Ille-et-Vilaine (photo). L’intérêt économique de se développer avec le local n’a fait que se renforcer avec la crise. » L’exemple des ateliers synergies interentreprises, proposés partout sur le territoire, en lien avec les collectivités locales en est une parfaite illustration. « Ils permettent aux entreprises d’une même zone d’activités d'identifier des besoins communs ou échangeables. Ainsi, les déchets d'une entreprise peuvent devenir les ressources d'une autre, plusieurs entreprises peuvent mutualiser leurs salariés, leurs achats de consommables, de prestations… »
Ainsi, la CCI d’Ille-et-Vilaine a créé et édité à l’attention des entreprises un catalogue baptisé « Les Boîtes à Ressources du 35 » qui recense tous les produits, matières, équipements et locaux qui ne servent plus et que les entreprises souhaitent donner, vendre ou louer à d’autres entreprises. « 235 entreprises adhèrent aujourd’hui à notre communauté Linkedln, précise Magalie Chesnel, conseillère environnement à la CCI. « D’ici la fin du mois, nous allons étendre ce principe à l’échange de main-d’œuvre entre entreprises. »
Autre initiative portée à l’échelle d’un territoire par l’ensemble des acteurs : à Locminé, l’intercommunalité Centre Morbihan Communauté vient de conclure la première édition du Printemps de l’économie circulaire. Une cinquantaine de dirigeants et de porteurs de projet a participé aux différents ateliers. « Nous souhaitons favoriser la culture de coopération locale, car sans synergie, il n’y a pas d’économie circulaire », explique Mathilde Cronier, chargée de mission économie circulaire au sein de cette intercommunalité. Pour cette spécialiste, la sensibilisation et la pédagogie sont essentielles pour développer l’économie circulaire localement. « C’est comme pour l’innovation, il faut accompagner ce changement de culture économique. » Parfois ce sont les entreprises elle-mêmes qui aident les PME/TPE et les collectivités à conjuguer performance économique et environnementale. A l'image de la société malouine Tridimension qui propose des solutions techniques de prétraitement des déchets (portrait ci-contre)
Valorisation des matières premières locales
Encore marginal, ce type de démarches se multiplie. C’est par exemple NG Biotech en Ille-et-Vilaine qui se tourne vers Albéa située dans le Morbihan pour fabriquer une partie des pièces plastiques de ses tests au lieu de se fournir en Chine. C’est aussi Odycea à Lannion (portrait ci-contre) qui pour la recherche et la production de substances bioactives pour ses cosmétiques, revendique un sourcing de ses matières premières, les algues, en Bretagne. Oberthur Fiduciaire à Rennes recycle quant à elle 80% de ses déchets en misant sur les synergies en local et le low-tech. Ou encore, Gwilen à Brest qui revisite les matériaux de construction à partir de sédiments marins récupérés sur place : « Aujourd'hui, on a tous besoin d'être davantage bricoleur qu'ingénieur pour pouvoir créer à partir de l'existant et préserver notre environnement, explique son fondateur, Yann Santerre.
« Une transition est en train de s’opérer. Il n'y a pas un secteur d'activité qui ne soit pas concerné. Le sujet de l'économie circulaire est à l'agenda des conseils d'administration. Les habitudes de consommation changent et le « durable » prend du galon. Dans cette nouvelle décennie, et plus encore avec la crise, le consommateur devenu citoyen de plus en plus engagé est davantage guidé par les impacts écologiques », conclut Loïc Evain, par ailleurs animateur du réseau Bretagne Eco-Entreprises (B2E) qui rayonne sur cinq départements et fédère 125 entreprises et acteurs locaux. « De plus en plus de collectivités locales et d'entreprises sont à la recherche de solutions en matière de traitement d’eau, de déchets, de nouvelles sources d’énergie mais aussi de qualité d’air, d’eau, etc. En rejoignant B2E, elles disposent aujourd’hui d’un véritable centre de ressources avec des personnes qualifiées. »
Trier et recycler les déchets
Éliminer les déchets devient la solution ultime. Les valoriser, les réduire est une stratégie davantage payante. Lorsqu'on s'intéresse à l'ensemble des déchets produits en Bretagne, on constate que 70 % des déchets proviennent du secteur du bâtiment et des travaux publics. Les trois-quarts de ces déchets sont inertes (béton, brique, tuile, gravats, terres non polluées, etc) et majoritairement recyclés dans les travaux publics en sous-couches routière. « L’enjeu de valorisation, dans le secteur du bâtiment, porte sur les déchets du second œuvre, qui connaissent des taux de recyclage très inégaux d’un matériau à l’autre », explique Jean-Noël Guerre. Il faut à la fois encourager le tri à la source des déchets de chantier, mais aussi permettre de renforcer le maillage territorial des points de collecte, afin d’apporter des solutions de proximité aux artisans et entreprises du bâtiment. »
C’est la solution apportée par Yprema, entreprise spécialisée dans la transformation des matériaux de déconstruction. A Pluguffan (29), près de Quimper, la PME a ouvert et gère une déchèterie professionnelle dédiée aux artisans. « Le principe est de privilégier le double flux, en incitant à la fois le tri des déchets de chantiers et l’approvisionnement en matériaux recyclés. L’objectif pour les professionnels est de dépenser moins de temps et d’argent », explique Claude Prigent, président d’Yprema, entreprise familiale fondée par ses parents en 1989. « Mon père avait une entreprise de travaux publics. Il réalisait à la fois des travaux de démolition dans le BTP et d’autres de construction pour les routes. Rapidement, il a compris que les premiers pouvaient servir aux seconds en intégrant le maillon recyclage. Ainsi est née Yprema, de la lecture du bon sens paysan », rappelle le fils devenu à son tour dirigeant. « Pour moi, le béton est donc depuis toujours une matière première, et notre première application de l’économie circulaire », ajoute Claude Prigent qui depuis a développé d’autres circuits, dont le second œuvre.
Chez O’Baine, Matériauthèque à Dinan lancée en février dernier par l’association Steredenn, les matériaux de construction, de décoration et d'ameublement proviennent de grandes surfaces de bricolage. « Bois, plomberie, électricité, isolant, textile…Il s'agit de récupérer des matériaux bruts, issus de chute de production, d'invendus, de stocks dormants qui étaient destinés à être jetés afin de les remettre dans le circuit de distribution au sein d'une boutique solidaire. A l’image d’Envie 35 ou d’Emmaüs, il y a une véritable dynamique de développement autour des recycleries ou ressourceries », poursuit Jean-Noël Guerre. A Rennes, Envie 35 vient de fêter ses 25 ans. L’entreprise fait office de modèle dans l’économie circulaire en remettant sur le marché des appareils électroménagers récupérés en déchetterie. L’Ademe Bretagne accompagne aussi des projets comme Menrec (56) première structure de recyclage de menuiseries en Bretagne ou Trivel (35), un centre de tri des déchets de chantiers de construction. Cette unité de tri est née de l’association de trois entités : Veolia, Envie et le Groupe Legendre.
Le plastique, un enjeu majeur
Bien que les déchets des ménages concernent chaque Breton, ils n'arrivent qu'en dernière position des trois gisements de déchets régionaux. « Il y a malgré tout un véritable enjeu sur le recyclage des emballages plastique, les bouteilles en particulier », souligne le directeur régional de l’Ademe. Peu porté sur l’eau du robinet, les Bretons utilisent davantage de bouteilles plastique qu’ailleurs en France. En parallèle, ils sont aussi les champions du tri avec 68,8 kilos d'emballage plastique triés par an (2016). C'est 20 kilos de plus que la moyenne nationale. Des centres de collecte et de tri performants comme celui de Kerval dans les Côtes d’Armor ont vu le jour. Ils visent l'objectif de 100% de plastique recyclé à l'horizon 2025. « Techniquement, dans les cinq à dix ans, nous saurons quasi tout recycler, soit sous forme de matières premières secondaires, soit d'énergie. La barrière n'est pas technologique, le problème, c'est le coût. La vraie question est celle de la rentabilité de tels équipements. Même si le prix du pétrole tend à augmenter, il est encore bien moins coûteux de fabriquer le plastique que de le recycler. »
Mais l’étau se resserre autour des industriels. Certaines échéances se rapprochent. L'Europe a imposé l'incorporation obligatoire en 2025 d'au moins 25 % de plastique recyclé dans les bouteilles en plastique PET transparent (typiquement, les bouteilles d'eau), puis d'au moins 30 % de plastique recyclé en 2030 pour toutes les bouteilles quelle que soit leur résine.
Sortir du plastique jetable, mieux informer le consommateur, lutter contre le gaspillage et pour le réemploi solidaire, agir contre l’obsolescence programmée, mieux produire : tels sont les grands enjeux de la loi anti-gaspillage pour une économie circulaire*. Dans cette perspective, l’Ademe Bretagne vient de lancer 5 appels à projets à destination de tous les acteurs, au premier rang desquels les entreprises.
CCI Côtes d'Armor - Jean-Sébastien Flinois : jean-sebastien.flinois@cotesdarmor.cci.fr ou contactez-le au 02 96 94 52 22
CCI Finistère - Emilie Richard : emilie.richard@bretagne-ouest.cci.bzh
CCI Ille-et-Vilaine - Magalie Chesnel : mchesnel@ille-et-vilaine.cci.fr ou contactez-la au 02 99 33 66 46 - Nathalie Delfour : ndelfour@ille-et-vilaine.cci.fr ou contactez-la au 02 99 33 66 12
CCI Morbihan - Naïa Daugareil : n.daugareil@morbihan.cci.fr ou contactez-la au 02 97 02 40 00
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