Véronique Maignant, le 25.04.2018
Centres-bourgs : en Bretagne, une stratégie volontariste de revitalisation se met en place
Dégradation du bâti, baisse de la population du centre et paupérisation, fuite des équipements attractifs et des services du quotidien, ou encore concurrence des grandes surfaces en périphérie : la dévitalisation des centres-bourgs est le produit de plusieurs facteurs. En Bretagne, l’État, la Région, la Caisse des dépôts et l'Établissement Public Foncier soutiennent des projets visant à freiner cette fragilisation des centres. Les CCI sont également mobilisées sur le sujet aux côtés des territoires.

A la tête de l’agence Lestoux et Associés, créée il y a un an à Lamballe, David Lestoux connaît bien la problématique. Il est d’ailleurs le co-auteur d’un rapport sur le sujet remis en mars dernier au ministre de la cohésion des territoires, Jacques Mézard.
« La vacance des commerces dans les petites et moyennes villes est passée de 8 % dans les années 2010, à 14% en 2017, explique-t-il. Même si la situation de la Bretagne est un peu moins préoccupante que dans certaines autres régions françaises, cette fermeture progressive des commerces est avant tout la conséquence d’un problème de paupérisation et de logements vacants dans les centres-bourgs en général. On a peu à peu enlevé des centres toutes les infrastructures qui génèrent du flux, comme les maisons médicales, les Ehpad ou certains services publics. Il est donc logique que le commerce fonctionne mal. Pour enrayer cette tendance, il est indispensable d’adopter des règles d’urbanisme qui, à l’exemple de Lamballe, interdisent l’implantation de petits commerces à l’entrée des villes. On constate le plus souvent que les cellules vides dans les centres sont liées non pas à la fermeture de commerces mais à des transferts. Seule une vraie stratégie volontariste de densification des centres-villes peut faire bouger les lignes. C’est un problème de politique publique ».
Découvrir le témoignage de Quentin Ozon, qui a repris le commerce créé par son père à Saint-Jean-Brévelay (56)
60 projets soutenus à hauteur de 29 M€
En 2017, l’Etat, la Région Bretagne, l’Etablissement public foncier de Bretagne et la Caisse des dépôts ont lancé aux communes deux appels à candidatures pour des projets d’aménagement favorisant l’attractivité de leurs centres. Objectif ? Les inciter à repenser leur centralité et leur donner les moyens de le faire. A l’arrivée, 208 communes ont déposé un dossier et 60 ont été retenus car correspondant aux critères d’expérimentation et d’innovation recherchés par les partenaires.
« Deux éléments importants étaient aussi en jeu : d’abord, la capacité à mobiliser les populations pour construire ce projet d’attractivité. Car il ne s’agit pas de décréter l’ouverture d’un commerce pour qu’il fonctionne… Enfin, la transversalité des projets était importante : commerce, habitat, culture, patrimoine. Plus c’est multithématique, plus la population s’y associe bien. Il s’agit de réinventer son projet de territoire », insiste Laurence Fortin, vice-présidente de la Région à l’aménagement du territoire.
En plus d’un accompagnement d’un an, les 60 projets bénéficient d’un soutien global de près de 29 M€ : pour les centres-bourgs, 16 sont en phase études (plus de 450.000 €) et 23 en phase travaux (près de 14 M€). Pour les centres-villes : neuf en phase études (315.000 €), 12 en phase travaux près de 14 M€.
Découvrir le témoignage de Jean-Paul Le Roy, maire de Pleslin Trigavou dans les Côtes d'Armor
Cette initiative bretonne, mettant autour de la table différents partenaires institutionnels autour d’un objectif commun a reçu une Victoire des Acteurs publics, dans la catégorie « territoires durables », en février. « Cela souligne le travail partenarial mené, apprécie Laurence Fortin. Notre objectif est d’élargir la réflexion avec des acteurs privés et de mettre de plus en plus de monde autour de la table. » Cela pourrait se traduire par la mise en place d’un réseau réunissant candidats et lauréats pour un partage d’expériences devant servir à tous.
Un nouvel appel à projets, répondant aux mêmes conditions va être lancé à la fin de l’année 2018. « La Bretagne est particulièrement maillée de villes moyennes et de bourgs plus ruraux qu’il faut conforter. Nous ne sommes pas la région la moins bien lotie mais il y a des fragilités qu’il faut travailler », note l’élue, qui cite les contrats de territoires signés avec les 21 territoires bretons, autres outils d’accompagnement de la centralité.
Les CCI, point d’appui pour l’attractivité commerciale
Gilles Blanschong, président de la commission appui aux territoires à la CCI Bretagne partage ces analyses : « la redynamisation d’un centre-bourg passe par une approche globale de son attractivité. Une des premières pistes de travail est de trouver les meilleurs leviers pour faire revenir les habitants ».
En Bretagne, les CCI travaillent en lien avec les collectivités au développement de solutions visant à intégrer toute la complexité de ce qui fait la vitalité d’un centre-ville : déplacements, stationnements, logement, animation, loyers, etc. Concrètement, elles conseillent les communes, par exemple, à l’occasion d’un projet d’ouverture ou d’implantation d’un commerce.
Avec l’appui de la Région et des Etablissements publics de coopération intercommunale (EPCI), elles leur proposent depuis 2017, des études d’images sur l’attractivité commerciale de leur centre-ville. Objectif : aider les commerçants à optimiser leur d’offre, en termes d’accueil, de service ou de merchandising. Trois études ont ainsi été lancées pour les commerçants du centre-ville de Saint-Brieuc (22), de Landivisiau (29) et de Carantec (29). « Au travers des observatoires du commerce et de la consommation dont elles disposent, poursuit Gilles Blanschong, les CCI ont accumulé une quantité de données essentielles pour comprendre la dynamique commerciale d'un territoire. Elles sont donc à même d’organiser des diagnostics territoriaux ». Tous ces outils et méthodes d’analyse sont accessibles aux agences d’urbanisme, agglomérations ou EPCI.
Découvrir le témoignage de Bernard Copin, maire de Roscanvel, et Marie-Laure Cann, qui fait vivre le commerce multi-services de la commune
Le commerce obligé de se réinventer
Découvrir le témoignage de Séverine Ferrand, Présidente de 2015 à 2017 de l'union commerciale de La Guerche de Bretagne en Ille-et-Vilaine

Gilles Blanschong
Président de la commission appui aux territoires à la CCI Bretagne
Parole d'élu
La capacité à attirer des habitants, à maintenir des emplois, à offrir des services non marchands, de santé notamment … C’est la pluralité des attractivités qui créera de nouveau de l’activité commerciale dans les centres-bourgs.
Les chambres de commerce et d’industrie, partout en Bretagne travaillent depuis longtemps sur les différentes facettes de la vie économique des centres-villes et des centres bourgs. Elles accompagnent les créateurs d’entreprises, défendent les intérêts des commerçants et font valoir leurs préoccupations auprès des municipalités. Elles soutiennent aussi les unions commerciales, donnent des avis formels sur les documents d’urbanisme…
Réalisation de diagnostics territoriaux, études d’implantation commerciale, analyses de secteurs d’activité à la demande, les données et les outils d’analyse dont disposent les chambres de commerce sont riches et diversifiés. Ils sont à la disposition de toutes les collectivités, entreprises, ou organisations professionnelles désireuses d’anticiper les enjeux et évolutions de leur développement économique.
A savoir
Les CCI de Bretagne représentent plus de 35.000 commerces et proposent aux collectivités territoriales voulant dynamiser le tissu commercial de leur territoire toute une palette de services.
Le Pass Commerce et Artisanat permet aux entreprises éligibles de bénéficier d'une aide pouvant aller jusqu'à 7.500 €.
Repères
Des unions commerciales en pleine mutation
« Les unions commerciales ont un rôle à jouer dans cette conquête de la clientèle pour peu qu’elles se professionnalisent, indique pour sa part Gilles Blanschong. Le temps où elles animaient le comité des fêtes est révolu. Elle doivent apprendre à discuter avec leurs partenaires et agir comme une société de services au bénéfice de leurs adhérents ».
« D’autant que ces derniers ont changé, ajoute David Lestoux. Aujourd’hui, seuls 30% des commerçants sont propriétaires de leurs murs. Conséquence : leur engagement n’est plus le même. Sans compter que beaucoup d’entre eux ne vivent plus sur place ».
Autre constat : 70% des achats de proximité en France se font entre 17h30 et 20h30. Dans ces conditions n’est-il pas envisageable d’adapter les horaires à chaque typologie de ville ? Mutualiser une offre de services sur Internet entre les commerçants ? Proposer des consignes pour retirer ses achats ? Des réflexions sont en cours au sein de certaines unions commerciales, preuve que les commerçants des centres-bourgs n’ont pas dit leur dernier mot.