Les relations commerciales avec la Chine

Troisième économie mondiale, la Chine attire les entreprises et parmi elles, les PME bretonnes. Mais la barrière de la langue, alliée à d'autres incompréhensions culturelles, complique les relations commerciales. Des malentendus naissent, qui peuvent parfois faire perdre un marché. On ne se lance pas en Chine sans y être bien préparé.

Louisette Bourdin, dirigeante d’ABC Texture à Dinard, lors d’un déplacement en Chine

Le PIB chinois a crû de +10% en moyenne pendant les 10 dernières années et devrait se maintenir à +6,5% en 2009 malgré la crise. Côté consommation, celle des ménages a augmenté de 10% en 2006, selon la Banque Mondiale. Avec de tels résultats, l’Empire du Milieu attire et constitue un important partenaire économique pour la Bretagne. En 20081, il représentait à lui seul 10% des importations bretonnes, pour un montant annuel de 862 millions d’euros et 1,47% de ses exportations avec 174 millions d’euros. La Chine se place ainsi au 2e rang des importations régionales et au 12e rang pour ce qui est des exportations. Le matériel électronique tient une bonne place dans ces échanges puisque ce secteur représente 45% de l’import et 20% de l’export. Viennent ensuite l’agro-alimentaire avec 30% des exportations et le textile avec 15% des importations.

Prendre le temps de se comprendre

« Pour travailler avec les Chinois, il est tout d’abord essentiel de prendre le temps de s’approprier leurs schémas de pensée. Vous pourrez ensuite adapter vos propositions à leurs priorités et à leurs politiques, si, bien sûr, cela va dans le sens de vos intérêts. C’est ce que nous avons réussi à faire pour Airbus en augmentant la part de marché de 9% à 50% en 3 ans,’ affirme Jean-Michel Bellier. Ce dernier parle couramment le Chinois Mandarin et travaille avec la Chine depuis les années 70. D’abord pour Elf, puis Airbus pour lequel il a créé une filiale, et enfin pour BAE Systems, premier groupe de défense européen. Et pour bien comprendre ses partenaires chinois, la seule solution selon lui est « de passer beaucoup de temps avec eux et de rentrer en intimité. Ils finissent par expliquer des choses qu’on aurait mis des mois à comprendre seul ». Brûler cette première étape peut coûter cher. Chun Yan Sha, une jeune Chinoise qui vit en France depuis 2001, a réalisé un mémoire sur les relations entre entreprises chinoises et françaises à l’université de Rennes II, intitulé « Dépasser les malentendus ». Elle se souvient d’un entrepreneur français, en concurrence avec un allemand pour une chaîne de construction de voitures en Chine. « Le discours chinois est plein de sous-entendus insaisissables pour ceux qui ne connaissent pas cette culture. L’interprète sino-allemand a su transmettre les demandes chinoises cachées entre les lignes, tandis que le sino-français ne traduisait que mot à mot. Les français n’ont donc pas bien compris ce que voulait le client chinois, et ce sont les allemands qui ont remporté le marché. » Passer du temps avec ses partenaires chinois permet aussi de créer une relation amicale, condition sine qua non aux relations commerciales. Chun Yan Sha explique que pour ses concitoyens, la confiance est primordiale. « On doit d’abord devenir amis, sinon il est impossible de faire des affaires. C’est pour cela que le contrat signé, qui a tant d’importance aux yeux des Français, n’a pas beaucoup de valeur en Chine. La parole donnée compte plus. »

« Les codes du business sont presque à l’opposé des nôtres »

Autre trait du caractère chinois à prendre en compte : leur fierté. « Ils disent toujours oui, mais on s’aperçoit très vite qu’on n’a pas été compris, ou que ce que l’on demandait n’est finalement pas fait ». Cette complainte revient dans la bouche de tous les entrepreneurs bretons qui travaillent avec la Chine. « Pour nous, Chinois, explique Chun Yan Sha, admettre qu’on ne peut pas faire ce qui nous est demandé est trop violent. On perdrait la face. On dira plutôt qu’on va essayer. Mais quelqu’un qui connaît notre culture comprendra que ce n’est pas possible. Malheureusement, la plupart des français considèreront qu’on leur a menti ». Hervé Mary est directeur commercial chez Enensys Technologies, une entreprise rennaise créée en 2004 qui produit des équipements pour des opérateurs de télévision numérique, terrestre ou portable. Pendant ses voyages en Chine, il a souvent eu l’impression de perdre son temps. « Dans la culture française, on va droit au but. Mais en Chine, la décision est collégiale. Même les patrons me disent qu’il leur faut l’avis de leurs collaborateurs avant de décider. On peut tourner longtemps autour du pot. » Laurent Bouillot, Président de Siradel, fait le même constat. « Les Chinois ont ce que j’appelle « une intelligence collective », tandis que la nôtre est plus individuelle. Il y a beaucoup de monde pour faire le travail, donc même s’ils ne sont pas très bien organisés, ça marche. D’ailleurs, ils ne comprennent pas pourquoi nous prenons tant de temps pour analyser avant d’agir. » Explication de Chun Yan Sha : « les Chinois n’analysent pas les problèmes comme les Français, ils font des essais jusqu’à ce que ça fonctionne. » A ce sujet, Hervé Mary se souvient du premier échantillon qu’Enensys Technologies avait envoyé en Chine : « il avait été ouvert et bricolé. Quelqu’un avait voulu voir comment ça marchait ».

« L’usine du monde »

Malgré les barrières culturelles, les entreprises bretonnes continuent de tenter l’aventure chinoise. ABC Texture, SAS créée en 2004 à Dinard (35), et dont le CA 2008 s’élève à 450 000 euros, met au point des produits cosmétiques pour des marques tiers. Certains clients souhaitaient que certains produits fussent fabriqués à moindre coût. Louisette Bourdin, la dirigeante, s’est envolée pour la Chine. « J’avais rarement vu des usines aussi belles », s’exclame-t-elle, « en plus, on y est très bien accueilli. ». Mais en affaires, mieux vaut rester vigilant. « Tout était organisé au point qu’on se sent presque contrôlé » se souvient-elle. « Le matériel semblait parfait mais certaines parties des usines n’étaient pas visibles. J’ai dû revenir une deuxième fois pour voir la section pesée et stockage qui m’intéressait. Elle était beaucoup moins bien. » L’installation en Chine n’a pas non plus été de tout repos pour Pichon Industries, constructeur de tonnes à lisier et de chargeurs articulés de manutention dans le Finistère, qui a réalisé un CA 2008 de 23 millions d’euros. Son PDG, Michel Pichon, y a implanté une usine de fabrication de pièces mécano-soudées. C’est en participant à un Salon à Canton, il y a quelques années, que l’idée lui est venue. « Je me suis rendu compte des énormes possibilités chinoises », se rappelle-t-il, « c’est vraiment l’usine du monde ». Depuis quelques semaines, une dizaine de personnes, des Chinois, travaillent dans sa nouvelle usine de 2 000 m² située à Xiaolan, près de Canton. Mais le constructeur de matériel agricole confie que cette implantation lui a coûté beaucoup de temps et d’argent : « à cause de mauvaises informations et des retards, notre budget initial a été doublé. » Son voisin dans la ZI de Xiaolan, lui aussi français, n’a pas supporté ces difficultés. « Une fois que son usine a été terminée, il a claqué la porte. C’était trop compliqué, il a préféré travailler avec un sous-traitant chinois », raconte Michel Pichon.

Un marché qui attire les jeunes

Comment faire alors pour atterrir en Chine en douceur ? Jean-Michel Bellier, qui a participé au développement d’Airbus en Chine, vient de créer à Hong-Kong une agence nommée Business Development Consultancy (HK) Ltd et travaille aussi depuis le Finistère où il vit aujourd’hui. Désormais consultant, il aide les sociétés européennes de taille moyenne à s’installer en Chine en conseillant leurs dirigeants sur la politique et l’économie chinoises ainsi que sur les aspects pratiques des affaires dans ce pays. Business Development Consultancy (HK) Ltd offre aussi la possibilité d’une structure commerciale mutualisée à Pékin pour aider les sociétés européennes de taille moyenne à entrer sur le marché. Cette structure compte deux cadres locaux bilingues expérimentés, ‘une condition essentielle pour être crédible car vos interlocuteurs chinois attendent que vous puissiez être joignables 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24 ». Chun Yan Sha ajoute que « la personne qui se charge des relations sino-françaises doit bien connaître les deux cultures ». Et quoi de mieux pour connaître l’Empire du Milieu que d’y être allé pendant ses études ? C’est le cas de Frédéric Orlach. Il y a passé plusieurs mois pendant son cursus à l’Institut Supérieur de Gestion Europe-Asie (Isuga) de Quimper. Cette expérience lui a permis de fonder Nitri Projects avec un camarade de classe en 2007, une société d’aide à l’import basée à Hong-Kong. La jeunesse bretonne est d’ailleurs de plus en plus attirée par la Chine. Selon Ubifrance, c’est désormais la première destination pour les Bretons qui partent en VIE. 14% d’entre eux ont préféré la Chine plutôt que l’Europe ou les Etats-Unis sur les douze derniers mois. Tant mieux, car « il y a beaucoup de choses à faire là-bas », conclut Fréderic Orlach.

Julie Durand

N° 194 juin/juillet 2009

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