Guerre en Ukraine, reprise de l’épidémie de Covid, remontée de l’inflation…On aurait pu s’attendre à une dégradation de la conjoncture économique bretonne. Ce n’est pas ce qui transparait du bilan semestriel de l’économie présenté conjointement, ce jeudi 7 juillet, par la Direction régionale de la Banque de France, l’Insee Bretagne et la CCI Bretagne.
Dans cet environnement perturbé, l’activité reste plus soutenue en Bretagne qu’en France. « Au 1 trimestre 2022, l’emploi a progressé de 4,1% par rapport à fin 2019 (+ 2,8 % en France). On dénombre 5 100 emplois de plus entre fin décembre 2021 et fin mars 2022 (+ 0,4 %), détaille Tristan Picard, responsable des études au sein de l’Insee Bretagne. De même, le taux de chômage se stabilise à 5,8% de la population active contre 7,3 % au niveau national. C’est le plus faible taux des régions française ». L’activité du bâtiment progresse également : les autorisations de construire augmentent de 5,9 % en Bretagne (+ 37,1 % sur un an) et les mises en chantier de logements neufs progressent de 4,3 % dans la région.
Pic de l’inflation cet été à 6% voire 7%
L’inflation, véritable casse-tête du gouvernement, s’élève aujourd’hui à 5,8 % (contre 8% à 9 % au niveau européen). « Elle devrait atteindre son pic cet été, à 6% ou 7 %« , indique Hervé Mattei, directeur régional de la Banque de France. Le prix de certains intrants commence à baisser, la Chine déconfine, le pétrole baisse et le prix d’un container (14 000 euros) tend à se stabiliser. « Cette hypothèse tiendra si aucun nouveau choc ne survient d’ici là. En France, on a essentiellement un problème d’offre. Le rebond économique après la crise du Covid a créé des tensions sur les approvisionnements et par voie de conséquence, un début d’inflation. La crise en Ukraine n’a fait que renforcer cette tendance entrainant sur ce semestre une perte de 1% du pouvoir d’achat. » Pour autant, les mesures prises par le gouvernement (revalorisation du Smic cet été, bouclier tarifaire, remise à la pompe…) devrait permettre de récupérer ce point perdu au cours du second semestre. La croissance annuelle du PIB, prévue pour 2022, est estimée à 2,3 %.
Bonne santé financière des entreprises bretonnes
Dans ce contexte l’économie bretonne a su garder le cap. « Fin juin 2022, l’activité industrielle était en légère hausse par rapport à la même période fin 2021, même si l’agroalimentaire à un peu souffert, poursuit Hervé Mattei. Les carnets de commande sont pleins et les stocks ont retrouvé leur niveau normal, d’avant mars 2020. » Le secteur du bâtiment tient également, mais l’activité des travaux publics pourrait fléchir au second semestre : « Malgré la hausse des prix, les budgets des collectivités sont restés les mêmes. Conséquence immédiate : les volumes baissent. » Enfin, 25% des PGE contractés pendant la crise ont été remboursés : « on ne constate aucun incident notable de remboursement », précise Hervé Mattei. « Quand on analyse les bilans des entreprises bretonnes, leur situation est saine, plus saine que dans les autres régions. Les marges réalisées en 2021 ont été supérieures à celles de 2019. Les entreprises sont en mesure de fournir un effort pour contrer l’inflation. » Sur l’impact de la hausse des taux d’intérêt sur l’activité du bâtiment, le directeur régional de la banque de France temporise : « En Bretagne, on enregistre sur le 1er semestre une hausse de 6% des crédits immobiliers. Le Gouverneur de la Banque de France a fixé une hausse des taux à 0 25% en juillet et en septembre. Malgré tout, sur l’ensemble de l’année, la hausse ne sera que de 1% ou 2% en France. On retrouve enfin des niveaux normaux. »
Inquiétudes des chefs d’entreprise face à l’imprévisible
Du côté des entreprises, Jean-Pierre Rivery, président de la CCI Bretagne, se veut lucide au regard de la dernière enquête de conjoncture semestrielle réalisée par les équipes de la CCI Bretagne. « 60% des dirigeants interrogés se disent affectés dans le développement ou la pérennité de leur entreprise. » Le premier semestre 2002 montre par ailleurs des premiers signes de ralentissement avec les indicateurs de chiffres d’affaires et de rentabilité en baisse (respectivement -4,6 points et -13,1 points de solde d’opinion). Le seul secteur à garder confiance en l’avenir est celui des services, moins impacté par la hausse des prix. Ces difficultés générées par la hausse des charges (matières premières, énergies, salaires) devraient se traduire sur le second semestre par une volonté et une capacité moindres d’investissement, ainsi que sur la réduction de la masse salariale, dans certaines entreprises.
La crise, un accélérateur d’innovations
Pour autant, le président de la CCI Bretagne conclut sur une note d’optimisme. « La crise doit être un accélérateur pour innover et trouver de nouvelles solutions. C’est déjà ce que font certains industriels de l’agroalimentaire qui se tournent vers de nouveaux fournisseurs ou substituent certains produits moins couteux et disponibles plus près de chez eux. Un certain nombre d’entre eux réfléchit à relocaliser leur production tout en tablant sur l’économie circulaire (consigne des bouteilles de verre). Ils automatisent de plus en plus leur chaine de production, s’adaptent aux attentes des jeunes générations en introduisant des mesures en lien avec la RSE et augmentent les salaires. C’est souvent au pied du mur que nous, les Bretons, nous sommes les meilleurs. Cette crise nous a rappelé ô combien nous étions dépendants du reste du monde. C’est pourquoi, nous devons tous ensemble, Etat, collectivité et acteurs de l’économie jouer collectif pour retrouver une certaine souveraineté. »