L’oreille collée sur le trou de bonde de ses fûts de chêne, Marion écoute religieusement. A l’intérieur, ça chuchote et ça pétille. La vie s’exprime en fermentation. Le vin que Marion Le Pen est en train d’élever, a entamé sa transformation et requiert toute l’attention des mains et de l’esprit qui le façonnent. « J’ai l’impression de surveiller mon bébé« , sourit généreusement la jeune femme.
A 31 ans, Marion Le Pen débute une nouvelle carrière, voire une nouvelle vie. La voici vigneronne. Depuis dix ans qu’elle évolue dans l’univers de la sommellerie, Marion a toujours su qu’elle répondrai un jour à l’appel de ce métier. « Au cours de ma première année d’études au Lycée Hôtelier de la Rochelle, je suis allée faire les vendanges dans le Haut-Poitou, j’ai adoré », sourit-t-elle en se remémorant ce souvenir heureux.
Un domaine viticole dans le Finistère
Pendant son parcours professionnel de sommelière – qui la conduit à servir des tables renommées à Paris, Dublin, Melbourne, Wellington et Genève – Marion réussit à greffer sur son emploi du temps quelques menus travaux dans les vignes. « J’ai une admiration profonde pour le métier de vigneron ; c’est le métier passion le plus abouti que je connaisse, qui va de la plantation à la dégustation« , déroule la sommelière confirmée, également responsable d’un bar à vins à Genève.
En 2021, Marion Le Pen reprend ses études, pour suivre un BTS viticole. Ce dernier en poche, elle se met en quête d’élever un domaine en Bretagne, sa terre natale. Car depuis qu’elle parcourt le monde, la native de Carnac a toujours rêvé d’y revenir sublimer le terroir*, et faire renaitre la viticulture en Bretagne. « Avant, partout où il y avait une église, il y avait de la vigne ! », cite l’érudit viticole. Ses recherches la pousseront vers le Finistère. Et c’est à la croisée des routes, entre celle qui traverse le bourg de Saint-Nic et celle qui descend à la plage de Pentrez que Marion a posé ses valises et ses projets. En 2022, elle achète l’ancienne auberge des voyageurs, se lance dans des travaux de rénovation et commence la transformation du garage attenant en chais. Deux ans plus tard, elle y installe une presse et la dizaine de fûts de chêne d’occasion, qu’elle estampille du nom du domaine choisi : « La Descente », en référence en premier lieu au nom de la propriété fraichement acquise, qui s’appelait précisément « A la descente des voyageurs », et puis à la vue offerte par la fenêtre du chais, sur un paysage dont les lignes conduisent jusqu’au rivage en contre-bas.
D’un premier millésime en 2025…
Pour ce premier millésime, Marion a créé sa société de négoce – accompagnée dans cette démarche par la CCI Finistère – et acheté quatre tonnes de raisin : du chenin d’Anjou et des cépages blancs du pays nantais. Il y a un mois, le 6 septembre, elle a réalisé son premier pressoir. L’émotion est montée d’un cran quand, au même moment, la cloche de l’église voisine s’est mise à sonner, célébrant le pardon de la paroisse de Saint-Nic. « Les villageois qui défilaient en costumes bretons, se sont arrêtés pour visiter le chais et découvrir mon projet », s’enthousiasme encore la néo Saint-Nicaise. Quelques pas de danse ont accompagné cette coïncidence heureuse, qui résonnait comme le baptême improvisé du nouveau Domaine.
…aux premières vendanges en 2030
Dans quelques mois, après le temps de maturation naturelle adapté, Marion tirera ses premières bouteilles. La nouvelle vigneronne escompte en remplir 3 000 qu’elle saura distribuer en vente directe. Cette première année de production n’est qu’une étape vers le projet final que fomente Marion. Au début de l’année, la jeune femme a pu acquérir une parcelle de deux hectares située sur les hauteurs de la presqu’île de Crozon, avec vue sur la rade. « Nous avons ici le climat du pays nantais il y a cinquante ans. Je vais donc y élever des cépages similaires », explique Marion. Sur ce sous-sol schisteux et ce terroir drainant, Marion Le Pen plantera d’ici deux ans ses ceps de vigne, pour une première récolte espérée en 2030. La jeune femme, qui s’adonnera alors pleinement à son nouveau métier, saura diversifier les débouchés en sollicitant les réseaux, en France et à l’étranger, que sa riche expérience professionnelle lui a permis de tisser. « J’espère aussi pouvoir en proposer ici, au chais de La Descente ! »
*Depuis le 1er janvier 2016, l’Union européenne a assoupli les règles de plantation des vignes, autorisant la culture de vignes sur l’ensemble des territoires, partout en France et dans les différents terroirs de l’Union, y compris ceux sans indication géographique (AOC ou IGP).