Bretagne. Pas d’industrie forte sans un écosystème uni, et « à condition qu’on nous laisse travailler »

Ils étaient 150 participants à l’Open de l’Industrie en 2015. Le 7 octobre prochain à l’occasion de la 10 édition anniversaire, ils seront près de 600 à franchir les portes du Skope à Lannion. Preuve que cet évènement régional, porté par la dynamique Breizh Fab, est devenu un levier de business. A la veille de son lancement, nous avons pris le pouls de ce secteur stratégique, en mode collégial. Alors qu’un point d’inflexion a été atteint, l’essentiel pour les industriels est de conserver « un collectif breton qui serre les rangs et qui accompagne le développement des uns et des autres. » Désormais, il faut être soit réaliste, soit optimiste, le tout est d’avoir les deux mots en tête. Entretien avec Jacques Pidoux et Thierry Troesch, co-chefs de file de France Industrie en Bretagne, et David Duval, Directeur Délégué de l’UIMM Bretagne.

Quelques chiffres suffisent à démontrer le poids substantiel de l’industrie dans l’économie bretonne. Aujourd’hui encore, le secteur représente 185 000 emplois (+7% en 10 ans) soit 14,3 % du total des emplois salariés en Bretagne (1/3 ’agroalimentaire, 1/3 branche de la métallurgie et 1/3 autres industries). « Par ailleurs la part de notre industrie dans le PIB, en constante augmentation depuis 10 ans, atteint 12% quant au niveau national, elle n’est qu’à 9% », rappelle Jacques Pidoux, pour qui la Bretagne reste « une Terre d’industrie. « Avec les Pays de La Loire, elle est depuis 10 ans, la région la plus dynamique en termes de création de valeur ajoutée, de l’ordre de deux à trois points au-dessus de la moyenne nationale. »

 

Recul de la compétitivité

Si l’industrie bretonne a, jusqu’ici, tenu bon et réussi à traverser les crises, (covid en 2020, hausse des coûts de l’énergie en 2022), l’année écoulée a été marquée par des vents contraires. Les signaux faibles se multiplient. « Nous croyons à une Europe forte et réactive par rapport à ce qui peut se passer dans le monde. Mais force est de constater que face à une concurrence féroce des Etats-Unis et de la Chine (prix de l’énergie trois fois moins élevé par exemple), elle perd en compétitivité. En France, dans le même temps, c’est l’incertitude politique et budgétaire/financière qui domine, pour l’industrie comme pour l’ensemble des citoyens avec une production manufacturière, qui a atteint son plus bas niveau depuis 2015 », poursuit Jacques Pidoux.

 

Moment de bascule de l’apprentissage

En Bretagne, les premiers effets sur l’emploi apparaissent. « On assiste à un tassement des recrutements dans l’industrie avec 18 000 CDI aujourd’hui, contre 20 000 en moyenne, les années précédentes ». Ce recul s’explique aussi par la baisse des aides à l’apprentissage et des prises en charge des formations. « Nous sommes dans un moment de bascule de l’apprentissage, même dans notre secteur, alors même que cette voie d’enseignement a su retrouver depuis 8 ans toutes ses lettres de noblesse », se désole Thierry Troesch. « Au sein de la branche métallurgique, sur les 15 premiers jours de septembre, cela se traduit par un recul des embauches d’apprentis de l’ordre de 9% », précise David Duval, Directeur délégué de l’UIMM Bretagne qui forme chaque année 3 500 apprentis. Ce recul s’observe aussi au regard du nombre d’ouvertures de sites industriels. « Au niveau national, il y a eu respectivement 176 et 201 ouvertures nettes (dont extensions et réductions) en 2022 et 2023. Avec plus de 10 % du total sur ces deux années, soit 39 ouvertures nettes, la Bretagne est la troisième région la plus dynamique, derrière les régions Auvergne-Rhône-Alpes et Nouvelle Aquitaine. Mais cette dynamique connaît aussi une inflexion depuis 2024. »

 

Clarté, stabilité réglementaire et politique, écoute sont indispensables

« Notre premier combat, aujourd’hui, n’est pas la réindustrialisation mais le développement de tout le tissu de PME et TPE industrielles déjà en place sur le territoire. En Bretagne, beaucoup d’entre elles dépassent les 50 ans d’existence et font face à l’enjeu du passage de témoin ! », explique Thierry Troesch. Il nous faut développer du business tout en créant de la valeur ajoutée pour continuer à investir et décarboner notre outil de production. Or, depuis trois ans, la compétitivité de nos entreprises a atteint un point d’inflexion. Elle est même en recul. » Dans le viseur, les hausses de taxes et surtaxes du local à l’Europe, avec un message clair : « Notre tissu industriel ne réclame pas de subventions ou l’ouverture d’un guichet d’aides. On sait que c’est inefficace puisqu’au final, nous les paierons par le biais des impôts ou des charges. Ce que nous réclamons, c’est la clarté, la stabilité réglementaire et politique, l’écoute. Il est temps que les politiques publiques cessent de désarmer ceux qui construisent. Qu’on laisse les industriels faire de l’industrie. Qu’on nous laisse travailler. L’industrie ne peut plus être l’otage de choix budgétaires à court terme. »

 

Une situation contrastée selon les secteurs

Dans ce contexte peu propice à l’investissement, il faut regarder la situation : la filière automobile, premier secteur industriel du pays jusqu’il y a peu, est sur un trend descendant (on est passé de 360.000 salariés à 170.000 en quelques années), « ça n’est pas un problème conjoncturel mais bien structurel et il faudra inverser la tendance ». Même chose sur le machinisme agricole, le segment bâtiment/construction et dans une moindre mesure l’agroalimentaire, « un secteur très hétérogène, mais où les marges des entreprises bretonnes sont plus faibles que dans le reste du pays », remarque Jacques Pidoux, avant de poursuivre : « Dans le secteur de la chimie, la période est également difficile. Les marges se dégradent, l’outil industriel dans son ensemble, tourne à 60% de sa capacité du fait des surcapacité chinoises qui se déversent sur notre pays. »

Heureusement, trois filières industrielles portent des perspectives intéressantes, avec des caractéristiques de souveraineté totalement déterminantes : l’aéronautique, la défense et le spatial. « A elles trois, elles représentent 16 000 emplois en Bretagne, avec des locomotives extraordinaires comme Naval Group, Thales, Safran… Maintenant, il faut que les commandes ruissellent sur tous les sous-traitants de la filière. Or, aujourd’hui, nous sommes encore dans les discours. » Le nucléaire civil est aussi un secteur en pleine croissance auquel les Bretons commencent à s’intéresser. « Il donne des perspectives sur un temps long, influe sur les tarifs énergétiques, c’est déterminant pour l’ensemble du secteur industriel. » Il y a bien de quoi rester optimistes…

 

Une ambition collective intacte

L’édition 2025 de l’Open de l’industrie,  le 7 octobre à Lannion, arrive donc au bon moment. « Pas d’industrie forte sans un écosystème uni, et c’est une chance dans ce territoire de pouvoir discuter avec les acteurs publics », observe Thierry Troesch. D’autant plus que le dispositif Breizh Fab**, a beaucoup contribué à cette dynamique collective. » Depuis 2018, année de son lancement, près de 500 PME et TPE ont été accompagnées dans la numérisation et/ou l’automatisation de leur outil de production, le redéploiement de leur stratégie, la décarbonation de leur site, l’intégration d’une gestion sociale plus adaptée (marque employeur), etc. « Ce travail en meute nous a aussi permis de doper les achats en Bretagne par une meilleur connaissance des uns et des autres et de favoriser l’émergence de clusters. »

Jusqu’à fin 2026, 120 nouvelles PME pourront bénéficier du dispositif Breizh Fab**. « Nous poursuivrons bien sûr notre accompagnement des entreprises industrielles dans leurs efforts sur leur transition RSE, avec une approche résolument pragmatique et adaptée à leur réalité. La séquence actuelle est exigeante, mais notre ambition collective demeure intacte. L’industrie est un formidable levier de prospérité et de souveraineté. », conclut Thierry Troesch.

 

Pour celles ceux qui souhaitent participer à cette ambition collective, il est encore temps de s’inscrire à l’Open de l’industrie 

 


*Breizh Fab est un dispositif financé par la Région Bretagne qui bénéficie du soutien de partenaires influents tels que Cetim, UIMM, CCI Bretagne, Bretagne Compétitivité, Abea, Fibois, France Chimie et Polyvia.

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