
« Il y a eu un silence dans la salle. » Présentée à l’Assemblée générale de l’ABEA ce matin à Lorient, l’analyse économique et financière réalisée par la Banque de France sur l’industrie agroalimentaire en Bretagne a laissé l’auditoire coi, un instant. Et puis, la réalité des chiffres régionaux comparés systématiquement à l’industrie agroalimentaire du reste de la France, a resserré les rangs. « On sort soulagés de comprendre les raisons de nos difficultés, et rassurés qu’elles soient partagées entre tous. On n’est pas isolés et à plusieurs, on sera plus forts et combattifs« , témoignent des industriels membres de l’ABEA et présents à cette assemblée.
Un taux de valeur ajoutée en baisse
L’étude – qui plonge dans les détails comptables des entreprises – révèle les fragilités, les forces et les leviers de la filière agro en Bretagne. « Il y a une dégradation des fondamentaux de la performance économique de nos entreprises, portée en premier lieu par la baisse continue du taux de valeur ajoutée des entreprises agro bretonnes« , souligne Rémi Cristoforetti, président de l’ABEA, à la lecture des tableaux et graphiques dévoilés. Autre fait saillant : un tiers des entreprises IAA sont déficitaires en Bretagne en 2023 ; elles étaient 1/4 en 2019. « L’industrie agroalimentaire n’a pas retrouvé les marges confortables d’avant la crise Covid. Son taux d’investissement diminue, avec un écart qui se creuse au niveau de la R&D par rapport à l’IAA en France. En clair, la situation économique du secteur agroalimentaire en Bretagne se dégrade », rapporte Claudine Hurman, directrice régionale de Banque de France Bretagne après analyse détaillée des informations économiques et financières sur cinq ans (2019-2023) d’un échantillon représentatif, composé de 606 entreprises agroalimentaires bretonnes, soit 70 710 salariés et 34,3 milliards d’euros de chiffres d’affaires cumulés.
Une typologie d’entreprises particulière
Conscient de cette réalité, Rémi Cristoforetti rappelle des éléments de contexte graves et répétés, qui impactent l’économie depuis plusieurs années. Entre la crise sanitaire, la hausse des matières premières, la crise énergétique, l’inflation alimentaire, « nous avons vécu une période profonde de décroissance de l’industrie agroalimentaire. » Nonobstant, la situation est accentuée en Bretagne par la typologie des entreprises de l’agro, « de plus petites tailles (88% de TPE/PME/ETI) et plus sociales avec une part plus importante de la valeur ajoutée (67%) orientée vers la main d’œuvre (hors intérim) contre 58% en France », souligne le président de l’ABEA. « Forts des résultats de cette étude, on se rend compte que l’IAA bretonne doit trouver les leviers nécessaires à sa transformation, pour aussi répondre aux enjeux qui la conditionnent comme la décarbonation ou la sécurisation de ses ressources et débouchés. »
Casser les mythes
« Nous avons besoin d’un nouveau récit pour l’avenir de l’agroalimentaire en Bretagne », abonde Arnaud Lécuyer, vice-président à la Région Bretagne en charge de l’agriculture et de l’agroalimentaire. « Les données de cette étude très détaillée vous nous y aider. Ils répondent d’ores et déjà à un premier objectif : celui de casser les mythes autour de l’économie agroalimentaire en Bretagne qui est beaucoup plus diversifiée et complexe qu’on voudrait le laisser entendre », commence par replacer l’élu régional. Ces mêmes données nourriront ensuite une feuille de route encore à coconstruire, « pour accompagner l’industrie agroalimentaire bretonne dans ses transitions et maintenir son rang de pilier de la souveraineté alimentaire nationale. » Car s’il était peut-être un mythe que cette étude a transformé en réalité, c’est que la Bretagne reste la première région agroalimentaire de France en termes de production.