Raconte-moi ton travail !

Début décembre, l’Observatoire de la parentalité en entreprise a présenté les résultats d’un sondage réalisé auprès d’adolescents. Stressant, fatigant ou très dur, un cinquième seulement voit le travail parental comme épanouissant. Serait-il urgent de positiver pour assurer la relève ?

La notion de labeur en a pris un coup. Les enfants aujourd’hui ne rêvent que de devenir chanteur, footballeur ou mannequin. Des paillettes, du glamour, et le tout sans effort. Selon eux. Les métiers plus traditionnels comme avocat, ingénieur ou médecin ont moins la côte. Dans une interview accordée à Libération, Catherine Dolto, fille de Françoise Dolto et médecin haptopsychothérapeute, s’adressait aux parents : « Les adultes ne se rendent pas compte de l’influence de leur parole sur les enfants. Très souvent, ils décrivent leur travail comme quelque chose de pénible… »

Des mots simples
_ Lorsque Lydia Villefeu devient directrice des Laboratoires Boiron, à Brest, sa fille n’a que 7 ans. Passionnée par son travail, ce dernier empiète aussi beaucoup sur le temps qu’elle peut passer avec Bérengère. « Elle a beaucoup souffert de mon absence et je me suis dit que, pour qu’elle comprenne mon travail, il fallait que je la renvoie à son petit univers à elle. Soignée depuis toujours par homéopathie, je lui ai dit que lorsque je m’absentais pour travailler, c’était pour fabriquer des médicaments pour les petits enfants malades… Du coup, un courant de sympathie est passé ! » De son côté, Bérengère imagine l’entreprise de sa mère : « Je voyais ça comme dans les contes : un grand château, avec des petits lutins qui courent tout le temps, qui ne sont jamais à la maison, et qui sont fatigués le soir… » Pas toujours évident de trouver les mots simples. Ainsi pour Didier Margerand, Pdg d’Enag et Cristec, dans le Finistère, et père de sept enfants : « Ce n’est pas facile d’expliquer son travail, de parler de la finalité d’une entreprise à un jeune enfant… » Ses sociétés sont spécialisées dans les équipements de conversion d’énergie et sa fille aînée, Isabelle 33 ans, confesse : « Sur la fiche scolaire, je mettais « ingénieur », consciente que cela restait un terme vague mais sachant quand même de manière générale les missions qu’il recoupait… En revanche, je n’ai jamais su très bien définir le domaine d’activité des différentes entreprises de mon père. » Parfois, les mots sont nécessaires pour calmer les angoisses des plus jeunes. Marie T Vercambre, créatrice de MTV Service Conseil Formation 56 à Colpo, se souvient : « Quand j’ai décidé de créer mon entreprise, Manon avait 7 ans et j’ai senti qu’elle avait peur de me perdre… J’ai joué la carte de la transparence, je lui ai expliqué dans les grandes lignes et, petit à petit, je l’ai un peu impliquée. Aujourd’hui, à 11 ans, elle me propose des logos, fait des propositions de bandeau pour mon site… »

Le plaisir de travailler
_ Certains psychologues déclarent qu’il vaut mieux rester neutre dans ses propos, lorsqu’on parle de son travail, pour éviter que l’enfant ne le vive comme un « rapt affectif ». Didier Margerand déclare pourtant : « Quel que soit son poste, on doit communiquer de l’envie, de l’intérêt, de la passion pour ce que l’on fait. Il faut donner à ses enfants le goût du travail ! » Pascal Martin, co-gérant d’Armorgreen (spécialiste du photovoltaïque) à Vern-sur-Seiche (35) et père de trois petites filles, attend le bon moment : « Pour l’instant, mes filles ont entre 1 et 4 ans. Elles savent que je vais travailler quand je mets mon costume… Je ne leur dis pas encore que j’ai du plaisir à travailler, c’est trop tôt, j’aurais peur qu’elles se disent que je les aime moins que mon travail ! » Comme le souligne Lydia Villefeu : « Il faut faire attention de ne pas gaver nos enfants avec notre passion pour le travail mais, si l’on rentre le soir épanoui, avec des anecdotes et des fou-rires, on donnera envie à nos enfants de découvrir le monde de l’entreprise ! » Sophie de Menton a écrit dans Le Monde, à propos de l’Université d’été 2009 du Medef : « C’est aux entrepreneurs de rassurer, et non de mettre en scène tout leur désarroi déjà bien réel… » Gérard Perroud, président de l’AJE du Finistère (voir encadré), ajoute d’ailleurs à propos de l’opération « Un parent, un métier » : « Il faut échanger sur le contenu du travail pour aller au-delà des images négatives de l’activité professionnelle ! » Mieux encore, comme Lydia Villefeu : « Quand j’ai amené ma fille sur les lieux de mon travail, elle a pris conscience que je ne travaillais pas seule, et que l’entreprise c’était aussi une communauté de personnes. » Une seconde famille…

Anny Letestu
_ N° 198 février/mars 2010

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