Mutations économiques : se réarmer pour retrouver le chemin de l’emploi

Entretien avec Loïg Chesnais-Girard, Président de la Région Bretagne

 

Après une croissance très favorable en 2017, l’économie bretonne marque le pas au second semestre 2018. Comment allez-vous la soutenir dans les mois à venir ?

Nous avons trois grand piliers. Tout d’abord les infrastructures de mobilité, trains et avions et le numérique avec le déploiement de la fibre optique partout en Bretagne. Ensuite, la formation qui est plus que jamais au cœur des débats avec les nouvelles lois sur l’apprentissage et la formation professionnelle. Elles montrent qu’il y a là une capacité à s’organiser de manière transversale avec l’ensemble des acteurs, chacun dans nos domaines de responsabilités. Enfin, les dispositifs d’accompagnement des entreprises elles-mêmes, des plus classiques aux plus récents, en haut de bilan, comme Breizh’up. Ce dernier consiste à co-investir avec les entreprises. Il va faire l’objet d’un nouveau tour de table car les demandes sont nombreuses, non seulement dans les biotech ou le numérique, mais aussi dans les domaines de la santé, du bien-manger ou de la cyber. Sur tous ces sujets, nous sommes très volontaristes.

 

Quelles seront vos priorités ?

Nous sommes dans une période où il est essentiel de se réarmer, de manière à pouvoir affronter si nécessaire du gros temps. Pour l’instant, le vrai sujet est de trouver des hommes et des femmes pour nos entreprises. Partout où je vais en Bretagne, c’est ce sujet qui est évoqué. Nous mettons les bouchées doubles sur le Plan régional d’investissement dans les compétences (Pric) (voir encadré) . Des millions d’euros sont investis pour former celles et ceux qui sont à la recherche d’un travail mais aussi préparer les jeunes sur l’apprentissage. C’est le travail quotidien des équipes de la Région, en lien avec les autres acteurs, les Intercos, les CCI, les branches professionnelles et les entreprises elles-mêmes.

 

Les régions sont désormais en charge de l’orientation. Comment allez-vous organiser cette mission pour coller aux besoins des entreprises bretonnes ?

Dès 2019, tous les élèves à partir de la 4ème, bénéficieront de 54 heures de cours par an pour leur orientation. Tout l’enjeu est de faire en sorte que ce temps soit alimenté par des informations sur les métiers, les carrières et les compétences attendues dans les entreprises bretonnes. Les filières d’avenir nous les connaissons bien : l’énergie, le bien manger, la cyber ou encore les mobilités. Notre responsabilité va être de communiquer sur ces métiers pour que les jeunes se projettent. Pourquoi aujourd’hui les jeunes veulent bien aller dans l’aéronautique mais pas dans le naval ou l’automobile, alors que ce sont les mêmes compétences attendues ? A mon sens leur représentation des métiers a été faussée par les discours, par notre manière de vivre en tant que parent et citoyen. De même, l’agroalimentaire a beaucoup de mal à attirer les jeunes dans ses ateliers de production. Pourtant l’innovation y est présente de manière extraordinaire. Faisons en sorte de donner une image positive à ces métiers. Les métiers sans visage, qui ne parlent pas aux gens, n’ont aucun sens et dans l’agroalimentaire, c’est bien le problème. Tout l’enjeu consiste à redonner du sens au travail. La feuille de route sera, quant à elle, présentée mi-décembre.

 

La mise en service de la LGV a modifié les conditions de desserte du territoire breton. Quelle est votre stratégie aéroportuaire à l’horizon 2020 ?

Nous avons beaucoup d’ambition sur Brest. Il est le plus gros aéroport de Bretagne, s’est beaucoup développé ces dernières années, même s’il stagne un peu aujourd’hui du fait de l’effet TGV. A Lorient et Quimper, cet effet est encore plus fort. C’est pourquoi, nous avons pointé ce sujet dans le cadre du pacte d’accessibilité, en évoquant par exemple, de nouvelles liaisons vers Amsterdam pour démultiplier l’accessibilité de l’Ouest depuis Brest. C’est un vrai sujet sur lequel je travaille avec la ministre Elisabeth Borne. Concernant Quimper, la question a été techniquement gérée par la Région en couplant la concession avec Brest gérée par la CCIMBO. L’objectif est qu’il reste durablement un aéroport de proximité pour la Cornouaille, indispensable à ses entreprises. Nous avons échangé avec Hop pour voir sous quelles conditions fiabiliser durablement la ligne et assurer ainsi un service public. L’ambition politique est là. Les discussions sont en cours.

 

Et concernant l’avenir des aéroports de Lorient et Rennes-Dinard ?

L’aéroport de Lorient n’est pas propriété de la Région mais celle de l’Etat et géré par la CCI du Morbihan. Là encore, nous avons eu des discussions avec eux dans le cadre du pacte d’accessibilité. Il s’agissait de voir si la Région était l’acteur le plus pertinent pour être propriétaire de cette infrastructure ou du moins son autorité de gestion. A ce jour, les conditions ne sont pas réunies mais les discussions avancent. Il faut prendre acte qu’il y a un impact fort de la LGV sur la fréquentation de cet aéroport. Il est donc indispensable de diversifier les offres et travailler en bonne intelligence avec les autres aéroports de Bretagne. Comme pour les ports, on ne travaillera les aéroports qu’en système. S’il y en a un qui croit sauver sa peau tout seul, sans travailler avec les autres, il se trompe. Enfin, sur Dinard et Rennes, l’ambition est aussi très forte. La première condition est de déboucler cette histoire de terrain, indispensable pour les infrastructures de parking. Nous avons reçu du Préfet la confirmation du transfert de gestion (et non pas de propriété) de ces terrains. Le dossier est en très bonne voie. Viendront ensuite les infrastructures de l’aéroport en lui-même. Cependant d’ici là, il reste de nombreuses questions juridiques relatives aux concessions à étudier et ce d’autant plus que l’aéroport se porte bien. Nos juristes sont sur une ligne de relancer la concession. Nous attendons malgré tout d’avoir toutes les études pour voir s’il n’y a pas de solutions plus simples.

 

Quelles sont vos ambitions en matière d’infrastructures portuaires ?

La Bretagne a une surface maritime extraordinaire et des infrastructures portuaires importantes. La concurrence ne doit pas s’exercer entre les ports en Bretagne. Nos concurrents, ce sont les autres ports de la façade atlantique, de la Manche et les ports européens. Si déjà on arrive à se dire ça, on pourra avancer. Il est indispensable que chaque million d’euros public mis dans les infrastructures serve la consolidation de nos ports mais serve surtout leur compétitivité dans le jeu européen. C’est ça mon horizon. Il faut que les responsables l’entendent. Les citoyens eux l’entendent. Les centaines de millions d’euros d’investissement doivent être cohérents par rapport à l’organisation globale de nos ports.

 

La mobilité qui émerge aujourd’hui s’apparente à une transformation profonde de nos modes de vie. Quels sont vos moyens d’actions dans ce domaine ?

Les sujets ne manquent pas : télétravail, autopartage, nouvelles mobilités électriques, etc. Avec ces outils, il est possible de redonner du pouvoir d’achat à nos concitoyens, à l’image de la plateforme de co-voiturage, Ouestgo que nous avons lancée il y a quelques mois. Je suis très surpris de la manière dont ça prend, notamment dans les territoires dits les plus ruraux. Le système s’appuie sur des communautés, notamment d’entreprises. Les collaborateurs partagent leurs horaires et ensemble organisent leurs trajets de façon gratuite et sécurisée. Nos systèmes industriels de transport sont là mais l’euro supplémentaire investi ne permet pas de changer la vie de beaucoup de gens. Pour impulser un vrai changement, il faut s’intéresser à ceux qui sont loin des connexions, donc loin des agglomérations et des villes centres. Ces sujets ne peuvent pas être traités uniquement par les collectivités mais en lien avec les citoyens et les systèmes de mobilité qu’ils utilisent. C’est un des enjeux de la Breizh Cop.

 

Et en matière de télétravail ?

Le premier niveau du télétravail, c’est la fibre. L’argent que nous mettons sur la table est considérable. La Bretagne va dépenser trois fois plus dans la fibre que ce qu’elle a mis sur la LGV. Le télétravail transforme la société et ma première responsabilité est de le rendre possible par la fibre.

 

Que vous inspirent les propos d’Emmanuel Macron : « les Bretons, c’est la mafia française » ?

Je pense sincèrement que c’était un bon mot, sans arrière-pensée de sa part. Il était en présence d’un des bretons les plus influents du moment, il ne peut donc pas avoir lancé une critique envers les Bretons. Cela traduit simplement le fait, que partout où il va, il croise des Bretons. Ça peut-être une fierté pour nous tous. Pour ma part, je suis fier, en tant que Président de la Région, de voir que les Bretons sont très attachés à leur territoire. Dans cette société qui semble par moment se disloquer, je crois à l’ancrage territorial, à la capacité des hommes et des femmes de se sentir de quelque part. Je suis très fier de porter haut les couleurs de cette Bretagne qui m’a vu naitre et qui est mon territoire. Cela n’empêche pas que partout où je voyage, je suis un européen, également très fier de cette république et de ses valeurs. Si on est à l’aise avec ça, si on affirme fièrement nos identités, je pense qu’on renoue avec ce qui fait sens, à savoir l’objectif commun de vivre ensemble.


Plan régional d’investissements dans les compétences (Pric)

14,6      

milliards d’euros au niveau national sur la période 2018-2022

216,61

millions d’euros versés à la Bretagne sur la période 2019-2022 (22 M€ perçus en 2018)

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